Initiative saluée par nombre de commerçants, la création du Panier bleu n’a toutefois pas contribué à l’augmentation des ventes et de l’achalandage, estiment des marchands et associations commerciales interrogés par La Presse, qui peinent à mesurer les effets générés par la nouvelle plateforme.

« La réponse, c’est non. L’impact du site web, je ne l’ai pas senti. Il aurait fallu que ce soit un site transactionnel », lance sans détour Anne Lespérance, propriétaire des boutiques de vêtements Belle et Rebelle et Ananas & Bananas.

Lancée le 5 avril par le gouvernement Legault pour stimuler l’achat local, la plateforme numérique, qui répertorie les marchands québécois, compte plus de 21 000 commerces inscrits. Rappelons que Québec a injecté au départ 975 000 $ pour la création de la vitrine et a par la suite ajouté 3,15 millions pour l’améliorer.

Bien que les magasins de Mme Lesperance, situés sur la Plaza St-Hubert et sur l’avenue du Mont-Royal, figurent sur le site du Panier bleu – que la propriétaire compare aux Pages jaunes –, ce sont davantage les appels à l’achat local du premier ministre qui ont attiré des clients en boutique, soutient-elle.

Même son de cloche dans le quartier Villeray, où Christine Guérin tient l’atelier-boutique Cokluch, qui crée et vend des vêtements 100 % québécois. D’emblée, elle n’a pas hésité pas à qualifier de « faible » l’influence du Panier bleu sur ses ventes. Mme Guérin a tout de même consulté ses collègues qui s’affairaient à l’arrière, dans l’atelier, lors de notre passage. L’une d’elles ne semblait même plus se souvenir de l’existence de la plateforme. « On en a entendu parler au début de la pandémie », a dit Mme Guérin pour lui rafraîchir la mémoire. Malgré tout, les réponses étaient unanimes : les clients qui passent en boutique ne font jamais mention du Panier bleu.

Plus au nord, la Société de développement commercial Promenade Fleury avait donné un mot d’ordre à ses membres : inscrivez-vous au Panier bleu. « C’est une belle visibilité », affirme le directeur général de l’organisme, François Morin.

Il admet toutefois qu’il est bien difficile d’en mesurer les effets. Et les marchands interrogés cette semaine sur cette artère commerciale du quartier Ahuntsic ont confirmé ses dires.

« Je ne pense pas que le Panier bleu ait attiré plus de monde », mentionne Marise Descôteaux, gérante de la boutique Joubec.

« C’est difficile à évaluer, dit pour sa part Virginie Cauchy, vendeuse à la bijouterie Chayer. On n’a pas eu de rappel de ça de la part des clients. »

Mme Cauchy mentionne que ceux qui entrent dans la boutique lui parlent davantage de leurs craintes de voir les magasins fermer à nouveau.

Les non-inscrits

Laurence Marinacci, copropriétaire de la boutique de décoration Buk & Nola sur le Plateau Mont-Royal, a pour sa part décidé de ne pas s’inscrire au fameux répertoire. « Avec l’expérience, on se rend compte qu’on n’a pas tant de retours [avec ce genre de site]. 

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Laurence Marinacci, copropriétaire de la boutique de décoration Buk & Nola

« Je ne veux pas dénigrer le Panier bleu, insiste-t-elle. Mais des fois, on se perd un peu là-dedans, dans le fait de se retrouver avec d’autres boutiques qui vendent des bains, par exemple. Les gens qui vont sur ce site-là, ce n’est pas notre clientèle. »

Sensibilisation

S’il est bien difficile d’en mesurer les effets, Billy Walsh, directeur général de la Société de développement commerciale Wellington, à Verdun, souligne néanmoins que l’initiative mise en place par le gouvernement a permis de rappeler l’importance de l’achat local. »

« Il y a eu un effet de relations publiques extrêmement important dans l’objectif de sensibiliser les citoyens à l’importance de l’achat local. Je pense que la grande performance du Panier bleu, dans sa première phase de déploiement, c’est d’avoir remis à jour l’importance de l’achat local. 

« Comment on est capable de mesurer l’impact ? Je pense que la balle est dans leur camp et ils vont sûrement sortir un rapport éventuellement », poursuit-il. Il ajoute dans la foulée que l’initiative a toujours sa pertinence. « Mais ça ne peut pas se mesurer juste en nombre de visites sur un site. »

Selon les chiffres fournis par le Panier bleu, la plateforme a reçu 2 millions de visites uniques au cours des premiers jours suivant son lancement. Ce nombre est passé à 140 000 en mai, puis à 75 000 en septembre.

Stimuler l’achat local

Invité à réagir aux propos tenus par les commerçants, le directeur général du Panier bleu, Alain Dumas, admet que « c’est assez dur de mesurer l’impact » de la plateforme. « Notre mission, c’est de générer des ventes, oui, mais c’est surtout de dynamiser le mouvement de l’achat local », soutient-il.

M. Dumas croit également que le fait que les consommateurs ne fassent pas nécessairement mention du répertoire en entrant dans une boutique ne signifie pas qu’ils ne l’ont pas consulté. « Le client, par exemple, qui a vu un marchand grâce au Panier bleu, je ne parle pas juste du site web, mais aussi des médias sociaux ou de l’infolettre, il ne va pas nécessairement aller voir le marchand en lui disant : « J’ai vu le Panier bleu. »

« Le défi, quand on a lancé le mouvement au mois d’avril, c’était de faire passer un message clair concernant l’achat local. Ça, ça s’est fait. Les gens se sont rués vers le répertoire de commerces. »

Dans un but constant d’amélioration, à partir de la semaine prochaine, de nouvelles fonctionnalités seront offertes sur le site, informe M. Dumas, qui a refusé de donner plus de détails.