(Ottawa) La pandémie de COVID-19 aura des effets dévastateurs sur l’économie canadienne pendant plusieurs années : « des dizaines de milliers » d’entreprises seront emportées par cette crise au cours des prochains mois, laissant sans emploi un nombre important de travailleurs, prédit le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Dan Kelly.

Alors que plusieurs provinces ont commencé à rouvrir leur économie, seulement 50 % des entreprises ont repris leurs activités jusqu’ici à travers le pays, a souligné M. Kelly, l’un des trois représentants du monde des affaires à témoigner mardi de manière virtuelle devant le comité sénatorial des finances mardi.

« La pandémie de COVID-19, comme vous pouvez l’imaginer, a été extrêmement difficile pour les entreprises indépendantes. (….) Trois mois après le début de la pandémie, seulement la moitié des entreprises ont pu rouvrir leurs portes. Et les données sectorielles sont profondément troublantes », a affirmé M. Kelly, en faisant allusion aux secteurs du tourisme, de la restauration et de l’hébergement.

Tout près de 40 % des quelque 110 000 entreprises que représente la FCEI ont encaissé une baisse de 70 % ou plus de leurs revenus. « Déjà 12 % des propriétaires des entreprises pensent à mettre fin pour de bon à leurs activités. […] Je suis profondément inquiet de la suite des choses. On peut s’attendre à des dizaines de milliers d’entreprises qui vont déclarer faillite et qui vont fermer leurs portes. Et je crois que c’est un scénario optimiste », a souligné M. Kelly.

Il a affirmé que le programme de subvention salariale offre une bouée de sauvetage importante aux entreprises et il a salué la décision du premier ministre Justin Trudeau de prolonger ce programme jusqu’à la fin août, alors qu’il devait prendre fin en juin.

Mais il a souligné l’aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial destiné aux petites entreprises est mal fignolée. Le but de ce programme est de réduire de 75 % le loyer des entreprises durement touchées par la pandémie de COVID-19.

« Ce programme est bien intentionné, mais c’est un vrai bordel », a-t-il fait valoir.  

Prenant à son tour la parole, le président de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty, a pour sa part fait valoir que les Canadiens devront composer avec les conséquences économiques et sociales de la COVID-19 tant et aussi longtemps que les scientifiques n’auront pas trouvé un vaccin.

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Perrin Beatty

Aussi, les gouvernements, toute couleur politique confondue, devront revoir leurs priorités et leurs ambitions. Les grandes politiques coûteuses qui étaient à l’ordre du jour avant la crise devront être reléguées aux oubliettes, du moins pour un certain temps.

Il a rappelé qu’après les efforts des gouvernements visant à stabiliser l’économie canadienne pour éviter un effondrement sans précédent, ils devront s’atteler à la tâche pour concocter un programme de relance pour redonner confiance aux consommateurs.

Avec un déficit prévu de 260 milliards de dollars uniquement durant l’exercice financier en cours, et une dette accumulée qui devrait friser les 1000 milliards de dollars, le gouvernement fédéral devra s’en tenir à la mission essentielle de l’État et mettre de côté tout programme coûteux.

« Il va falloir revoir toutes nos priorités. Nous ne pouvons pas revenir à un programme et des politiques publiques que l’on envisageait par exemple en janvier. Le fait est que l’économie a été foncièrement endommagée par cette crise et nous avons maintenant 250 milliards de dollars de dette de plus à traîner. Cela veut dire que les gouvernements de tous les niveaux devront faire la différence entre les choses qui seraient bien à avoir et les choses que l’on doit absolument avoir. Ils vont devoir retourner sur la planche à dessein », a fait valoir M. Beatty, qui a notamment été ministre de l’Industrie dans l’ancien gouvernement conservateur de Brian Mulroney.

Pour sa part, le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, a affirmé que la proposition du gouvernement Trudeau d’offrir 10 jours de congé de maladie à tous les travailleurs canadiens pourrait s’avérer fort coûteuse.

« Si on pensait à 10 jours ouvrables de congé dans une année qui comprend 200 jours ouvrables, ça représente presque 4 % du PIB. Donc, c’est énorme. Il y a quelqu’un qui va devoir payer pour cela. Les sommes sont faramineuses », a-t-il dit.

M. Dorval a précisé qu’il existe déjà certains programmes, notamment l’assurance-chômage, qui comprennent une section sur l’assurance-maladie, qui pourraient être utilisés à la place. Des entreprises offrent aussi des congés de maladie. « Quand on calcule tout ce qui existe déjà dans le panier, il y a moins de trouver d’autres façons que d’instaurer 10 jours obligatoires », a-t-il dit.