À 32 ans, Maxie Lafleur a été nommée PDG de Bus.com au moment où la COVID-19 frappait l’industrie du transport. Mais comme elle le dit elle-même, elle a affronté le dragon.

Maxie voit grand. Maxie a une vie en CinémaScope.

Elle s’appelle Maxie Lafleur.

Âgée de 32 ans, elle vient d’être nommée PDG de la jeune entreprise montréalaise Bus.com, qui offre un service de réservation de bus nolisés à l’échelle nord-américaine.

C’est-à-dire nommée au pire moment, alors que la crise de la COVID-19 vient d’anéantir l’industrie des transports interurbains sur tout le continent.

Mais comme d’habitude, Maxie Lafleur a fait face. « En situation de crise, il y a certaines personnes qui, quand vient le dragon, courent dans l’autre sens. J’ai pris l’épée, on a regroupé les troupes et on est allés vers le dragon. »

Elle fonce vers le dragon depuis sa plus tendre enfance.

Née à Montréal-Nord dans un milieu modeste, au sein une famille « déconstruite puis reconstruite », elle a souffert toute jeune d’une grave maladie rénale. La participation à divers téléthons l’a mise en contact avec l’industrie du spectacle, ce qui l’a amenée à faire de la publicité et à jouer dans la comédie musicale Annie… jusqu’à Broadway, à l’âge de 10 ans. Elle a préféré revenir à Montréal plutôt que diviser la famille en deux. « J’avais une petite sœur », dit-elle.

Après s’être cherchée durant le secondaire, elle a suivi la suggestion d’une tante et s’est inscrite en comptabilité à la John Molson School of Business de Concordia. La comptabilité, « c’est un peu la médecine du commerce », exprime-t-elle.

Elle commence sa carrière dans un des plus gros centres hospitaliers pour entreprises de la planète : KPMG.

Après quatre ans, elle accepte l’offre de CAE de se joindre à son équipe de fusions et acquisitions, question d’ajouter des cordes à son arc. En moins de trois ans, elle réussit à concrétiser trois grandes transactions, notamment la création d’une coentreprise avec Japan Airlines, dont on lui demande de lancer les opérations à Tokyo.

Elle n’a encore que 27 ans.

La jeune pousse

Au début de l’été 2019, elle était en Éthiopie quand elle a reçu un texto : « Ça te tenterait, un poste de CFO dans une start-up ? »

En juillet 2019, elle est montée à bord de Bus.com comme vice-présidente directrice financière. Le passage de l’aviation aux autocars pourrait sembler un ralentissement de carrière, mais elle était fascinée par l’informatisation des secteurs peu touchés par la technologie.

Fondée en 2013 par deux Montréalais, l’entreprise offre une plateforme qui permet d’organiser et de réserver des déplacements en autocars nolisés, partout en Amérique du Nord. « C’est un peu l’Airbnb des autobus », résume Maxie Lafleur.

Au début de décembre, le président et cofondateur de l’entreprise a quitté son poste. Pour lui trouver un successeur, « on a ratissé très large à travers l’Amérique du Nord », décrit la jeune femme.

La solution était sur place. Le nom de Maxie, directrice financière depuis six mois, s’est mis à circuler – favorablement – au sein de l’entreprise.

Alors qu’elle prenait temporairement le volant de Bus.com, la COVID-19 a saisi les transports interurbains entre ses griffes.

Avec l’équipe de direction, Maxie Lafleur a formé une cellule de crise, dont un des outils consistait en un tableau de bord faisant état de la situation au jour le jour. « Ville par ville, dit-elle, on voyait les choses évoluer, et elles ont vraiment évolué différemment à travers l’Amérique du Nord. »

« C’était vraiment intéressant », ajoute-t-elle, du ton d’un médecin devant un rare cas d’infection. « Ça nous a permis de réagir avec précision dans chacune des villes. »

Mais rapidement, Bus.com s’est trouvée au point mort, complètement immobilisée. Est alors venu le temps des décisions difficiles.

La moitié des 70 employés ont été mis à pied, les 35 demeurés en place voyant leur semaine de travail amputée.

Deux semaines plus tard, le gouvernement fédéral annonçait son programme de soutien des salaires à 75 %. « C’est la seule mesure dont on a pu se prévaloir. Ça nous a permis de ramener notre monde. Et c’est difficile, parce qu’il a fallu être honnête avec eux et leur dire : “Je n’ai aucune visibilité au-delà du 6 juin à savoir si vous avez encore un emploi.” »

Entre-temps, il fallait les occuper. Quelles possibilités la crise offrait-elle ? 

On a établi une liste de projets intéressants sur lesquels on serait capables de carburer durant la crise.

Maxie Lafleur, PDG de Bus.com

Ils ont organisé un programme de soutien aux exploitants d’autocars nolisés pour les aider à traverser la crise et s’orienter au travers des programmes de soutien gouvernementaux. L’entreprise offre aussi son expertise en organisation de transports aux agences gouvernementales et aux services essentiels. « On déplace des employés pour Goodfood en ce moment », indique-t-elle.

La nomination de Maxie Lafleur à la présidence a été confirmée le mardi 14 avril aux employés.

Au milieu de la tempête, la nouvelle pilote pourrait leur paraître bien jeune. « Un peu plus jeune que certains, plus vieille que d’autres », répond-elle.

« Quand ça a été annoncé à l’interne, j’ai eu toutes sortes de messages de gens très heureux, qui étaient contents d’avoir une femme queer à la tête d’une entreprise », glisse-t-elle, désireuse de contribuer à la sensibilisation à la différence.

Il n’y a eu aucune dissension dans l’équipe de direction sur les mesures à prendre.

« Mais une fois là, les gens te regardent et ils veulent de l’espoir ! »

Comment votre entreprise fait-elle face à la crise ? Comme patron et gestionnaire, quelles actions entreprenez-vous ? Contactez-nous pour partager votre expérience, vos pairs pourraient en tirer des leçons. affaires@lapresse.ca