La COVID-19 précipitera-t-elle la chute de petits producteurs de marijuana ? Mardi, le producteur de cannabis de l’Outaouais Hexo a perdu plus du tiers de sa valeur boursière restante après avoir lancé un sérieux avertissement aux marchés.

La direction retarde la publication de ses résultats, prévient d’une perte de valeur « importante » dans les états financiers, révisera des résultats passés, laisse planer le doute sur sa capacité à poursuivre ses activités et interdit temporairement à ses dirigeants, administrateurs et autres initiés de négocier son titre en Bourse.

L’action du fournisseur privilégié de la Société québécoise du cannabis a largué 34 %, pour clôturer à 65 cents à la Bourse de Toronto. Il y a un an, Hexo faisait figure de star à la Bourse de Toronto après la fulgurante envolée de son titre. 

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Le retard dans le dépôt des résultats trimestriels est attribué à des « circonstances exceptionnelles ». La direction ajoute, dans un communiqué, que le calcul de la perte de valeur enregistrée est « complexe » et qu’elle s’établira entre 265 et 280 millions.

« Ça ne me surprend pas », indique John Chu, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, qui croit que c’est lié à l’acquisition de Newstrike, transaction de 260 millions.

Des installations mises en vente

En raison de la capacité excédentaire de produits cultivés dans le marché et de la demande estimative prévue de produits du cannabis, Hexo a décidé de mettre en vente ses installations de Niagara Falls acquises avec Newstrike.

Hexo avait suspendu les activités à Niagara Falls l’automne dernier, ce qui laissait entendre qu’une réduction de valeur des actifs suivrait, dit John Chu.

Hexo rappelle que l’industrie a vu un déploiement plus lent que prévu des points de vente au détail au Canada ainsi que des retards dans l’approbation par le gouvernement des produits dérivés du cannabis, ce qui a limité les canaux de distribution et nui autant aux ventes globales sur le marché qu’au rendement. « Ces facteurs manifestent une perte de valeur sur les stocks, les immobilisations corporelles, les actifs incorporels et le fonds commercial de l’entreprise. »

La direction indique aussi que les résultats qu’elle publiera sont préparés sur la base de la continuité de l’exploitation, ce qui suppose qu’elle pourra « maintenir ses activités, réaliser ses actifs et régler ses passifs dans le cours normal des affaires à mesure qu’ils deviennent exigibles dans un avenir prévisible ».

Hexo ajoute toutefois que, même si elle a réussi à obtenir du financement dans le passé, cela ne garantit pas qu’elle soit en mesure d’obtenir du financement supplémentaire ou que du financement soit offert à des conditions « raisonnables ». 

« Combinées aux pertes accumulées à ce jour, ces conditions témoignent de l’existence d’une grande incertitude susceptible de mettre en doute la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités », est-il souligné.

Inquiétudes pour la survie

Considérant l’évolution de la situation entourant la COVID-19 et la fermeture de magasins, John Chu dit désormais s’inquiéter davantage pour la survie d’Hexo, tout comme pour celle d’autres entreprises du secteur.

Rupesh Parikh, d’Oppeheimer, affiche également des craintes. « Je suis de plus en plus inquiet par la capacité d’Hexo à pouvoir se financer. Les investisseurs devraient rester sur les lignes de touche », affirme-t-il.

Hexo a fait trois opérations de financement depuis l’automne (70 millions en octobre, 25 millions en décembre et 20 millions en janvier).

John Chu se demande s’il est toujours réaliste de penser qu’Hexo pourra générer un bénéfice d’exploitation avant le début du prochain exercice financier.

Il croit fort possible qu’Hexo se fasse éjecter de l’indice torontois de la marijuana (symbole XCAN), ce qui « pourrait relâcher 8 millions d’actions d’Hexo dans le marché ».

L’analyste précise qu’Hexo risque aussi d’être expulsé de la Bourse de New York si la valeur de l’action demeure sous la barre du 1 $US pendant 30 jours consécutifs.