(Montréal) Bombardier se dit préoccupée par le rapport d’un organisme australien qui la relie, elle et d’autres entreprises multinationales, au travail forcé de minorités musulmanes en Chine.

L’Institut australien de stratégie politique affirme que des usines chinoises qui disent fournir des produits à au moins 83 grandes marques mondiales — d’Apple à Zara, en passant par Nike et Samsung — exploitent plus de 80 000 musulmans ouïghours « dans des conditions qui s’apparentent fortement à du travail forcé ».

L’organisme public australien s’appuie sur des images satellites, des reportages journalistiques et des documents du gouvernement chinois pour établir un lien entre des multinationales et le transfert massif de Ouïghours et d’autres minorités ethniques de la région chinoise du Xinjiang vers une trentaine d’usines dans tout le pays.

Le rapport indique par exemple que 41 de ces travailleurs ont été transférés à près de 4000 kilomètres de chez eux vers l’usine de KTK Group, une entreprise chinoise située à l’ouest de Shanghai qui fabrique du matériel ferroviaire comme des portes et des sièges — et qui compte Bombardier comme client.

Le constructeur québécois de matériel roulant a indiqué qu’il avait contacté KTK après la publication du rapport, cette semaine, pour confirmer que le fabricant chinois adhérait toujours au code d’éthique qu’il avait signé ; Bombardier attendait toujours une confirmation de la part de KTK, mercredi.

« Nous prenons ces allégations très au sérieux, car tous nos contrats avec les fournisseurs interdisent expressément le recours au travail forcé », a assuré Bombardier dans un courriel. Un porte-parole a précisé que KTK n’avait pas fourni de pièces pour des projets de Bombardier au Canada, notamment les voitures du métro à Montréal et les tramways à Toronto.

Des « centres de formation professionnelle »

Des organisations de défense des droits de la personne soutiennent que près d’un million de musulmans ouïghours de la région du Xinjiang, dans l’ouest de la Chine, ont été placés dans des camps. « Dans des usines, loin de chez eux, ils vivent généralement dans des dortoirs séparés, subissent une formation en mandarin et une rééducation idéologique, en dehors des heures de travail, sont soumis à une surveillance constante et n’ont pas le droit de participer à des célébrations religieuses », indique le rapport australien.

« Ce rapport expose une nouvelle phase de la campagne de réorganisation sociale de la Chine ciblant les membres des minorités, révélant de nouvelles preuves que certaines usines à travers la Chine utilisent le travail forcé ouïghour dans le cadre d’un programme de transfert de main-d’œuvre parrainé par l’État, qui entache aussi la chaîne d’approvisionnement mondiale. »

L’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, a qualifié « d’accusations sans fondement », mercredi, ces allégations de travail forcé. « Comme dit le dicton : même si une rumeur se répète 1000 fois, elle ne devient pas une vérité », a-t-il déclaré aux journalistes en marge de la Conférence d’Ottawa sur la sécurité et la défense.

M. Cong a expliqué que les autorités régionales du Xinjiang, pour empêcher les mouvements terroristes et favoriser les compétences professionnelles, avaient « pris des mesures pour créer des centres de formation professionnelle ».

« Les étudiants apprennent non seulement les lois et règlements, ainsi que la langue, mais aussi les compétences nécessaires », a-t-il déclaré.