Lowe’s a décidé de se tourner vers un Américain qui ne parle pas français pour prendre les rênes de sa division canadienne, dont les résultats ne correspondent pas aux attentes du géant américain de la quincaillerie.

Anthony Hurst, âgé de 47 ans, travaillera depuis le siège social canadien de Boucherville, situé en banlieue sud de Montréal, après avoir obtenu un permis de travail, ce qui devrait se faire le mois prochain.

« Il ne parle pas français pour le moment, mais il comprend l’importance de pouvoir communiquer avec les employés dans les deux langues officielles et fera de l’apprentissage du français une priorité, a fait valoir Lowe’s Canada, dans une déclaration envoyée par courriel. Il a d’ailleurs commencé ses cours récemment. »

M. Hurst, qui travaille pour le géant américain depuis un peu plus d’un an, n’était pas disponible pour accorder des entrevues. Auparavant, il a occupé divers postes de direction chez The Home Depot – principal concurrent de Lowe’s – ainsi que la chaîne de grands magasins JCPenney.

En attendant, Tony Cioffi demeurera président par intérim de Lowe’s Canada – propriétaire des enseignes Lowe’s, Rona, Réno-Dépôt, Ace et Dick’s Lumber – avant de reprendre ses fonctions de chef des finances et responsable des marchands affiliés.

Auparavant vice-président principal de la stratégie et transformation d’entreprise, M. Hurst relèvera directement du président et chef de la direction du quincaillier, Marvin Ellison.

« Nous demeurons confiants dans le potentiel à long terme de nos (activités) canadiennes et je sais que Tony est la bonne personne pour diriger Lowe’s Canada vers un nouveau chapitre enlevant », a souligné M. Ellison dans un communiqué.

Lowe’s était à la recherche d’un nouveau président au Canada à la suite du départ soudain à la retraite de Sylvain Prud’homme – une décision que plusieurs observateurs avaient associée aux ratés de l’aventure canadienne de Lowe’s. Celui-ci était en poste depuis 2013.

Risqué ?

À la lumière des résultats des activités canadiennes de Lowe’s, Charles de Brabant, directeur exécutif de l’École Bensadoun de gestion du commerce au détail de l’Université McGill, n’est pas étonné de voir le détaillant dépêcher un Américain à Boucherville.

« Je pense qu’il y a un réel risque à faire cela, a-t-il répondu, lorsqu’interrogé sur la décision de choisir un dirigeant qui ne maîtrise pas la langue de Molière. Lorsqu’on travaille dans des entreprises comme Rona, c’est du commerce de proximité. Il y a des marchands affiliés. Les gens sont proches de leur clientèle. C’est clairement un risque qu’ils prennent. »

En novembre, le détaillant établi à Mooresville, en Caroline du Nord, avait procédé à une autre vague de fermetures en territoire canadien, ce qui avait touché 34 magasins jugés « sous-performants », dont 12 au Québec, en plus d’abolir près de 100 postes à Boucherville.

Au cours d’une conférence téléphonique visant à discuter des résultats du troisième trimestre, M. Ellison avait expliqué que les ventes des magasins ouverts depuis au moins un an ont poursuivi leur déclin au Canada. En 2019, la société avait inscrit une charge de dépréciation d’environ 1,2 milliard CAN à l’endroit de sa division canadienne.

En 2018, Lowe’s, qui a acquis Rona en 2016 pour 3,2 milliards, avait procédé à une réduction de la taille de son réseau canadien en fermant 27 magasins.

Le réseau canadien du détaillant américain compte 61 magasins Lowe’s, 20 Réno-Dépôt, environ 400 Rona corporatifs et affiliés, plus de 100 marchands Ace et cinq Dick’s Lumber.

À l’automne, l’organisme Normes de la publicité avait également demandé au quincaillier de retirer l’inscription « authentiquement canadien » des magasins Rona, estimant que cela donnait une impression trompeuse de l’origine du propriétaire. L’entreprise avait contesté cette décision, sans succès.

Lowe’s doit dévoiler ses résultats du quatrième trimestre ainsi que pour l’année financière 2019 le 26 février.