La mobilisation de vendredi prochain avec la militante suédoise Greta Thunberg déborde des milieux scolaires et s’invite dans le monde des affaires. Une quarantaine d’entreprises québécoises ont déjà annoncé leur intention d’inviter leurs employés à quitter les bureaux pour se joindre au mouvement.

Dans la liste d’entreprises fournie par les organisateurs de la manifestation figurent des boutiques montréalaises qui ne surprennent guère, comme les épiceries zéro déchet LOCO, reconnues pour leur sensibilité particulière à la question environnementale.

D’autres, par leur mobilisation, suscitent plus l’étonnement. C’est le cas de Complexe Auto-Plus, un concessionnaire de véhicules usagés de Saint-Jérôme, qui a simplement décidé de fermer, le temps d’une journée.

« Quand j’ai appris que ça faisait plusieurs décennies que les scientifiques avertissaient les gouvernements, ça m’a ouvert les yeux, explique Daniel Charbonneau, propriétaire de Complexe Auto-Plus. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. » L’entrepreneur, dans le domaine automobile depuis toujours, a été sensibilisé au problème du réchauffement climatique l’année dernière.

Le 15 mars dernier, la grève étudiante pour le climat a rassemblé 150 000 personnes. M. Charbonneau était du nombre. « J’avais des frissons. C’était une méchante vibe », dit-il.

Convaincre son fils de participer

Après avoir pris connaissance du fait qu’une deuxième marche était dans l’air, le 27 septembre, M. Charbonneau a voulu que ses 40 employés vivent cette expérience. Il raconte avoir exploré l’idée de fermer le Complexe Auto-Plus avec son fils Simon, devenu directeur général.

Au départ, celui-ci lui aurait fait part de ses craintes quant à la perte de revenus et de clientèle, avant de se laisser convaincre par son père. « Quand je lui ai expliqué l’importance d’agir dans un contexte d’urgence climatique, il a tout de suite embarqué. »

Daniel Charbonneau a convié le personnel à une rencontre. « Je leur ai dit : “Si vous êtes prêts à vous impliquer individuellement et collectivement, alors on va en grève cette journée-là.” »

Je leur ai dit que ce serait un congé payé pour tous ceux qui seraient au parc Jeanne-Mance à midi le vendredi. Tout le monde était d’accord, je n’ai pas eu à convaincre personne.

Daniel Charbonneau, propriétaire de Complexe Auto-Plus

N’est-il pas paradoxal pour une entreprise qui vend des voitures de prendre position pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, voire contre la dépendance à l’automobile ?

« En tant qu’individu, on a la grande responsabilité d’agir, répond-il. Mais en tant qu’entreprise, notre responsabilité est doublement importante. Une entreprise est là pour rendre service aux gens avant tout. Quelqu’un qui pense aux questions environnementales, à un moment donné, finira par s’entourer d’une bonne équipe, et la profitabilité va être au rendez-vous. »

Vendredi, les employés du Complexe Auto-Plus seront donc à Montréal pour manifester aux côtés de leur patron. Les habitants de Saint-Jérôme qui voudront acheter une voiture d’occasion trouveront une affiche à la porte du commerce justifiant la fermeture temporaire. Un téléphoniste externe sera engagé pour fixer des rendez-vous avec les clients le lundi suivant.

Des agences à la marche

Rachelle Claveau, PDG de l’agence montréalaise Publicis, encourage aussi ses employés à quitter le bureau pour aller manifester.

L’entreprise est même allée plus loin en lançant un événement Facebook invitant les autres agences à emboîter le pas. Après « La planète s’invite au Parlement », « La planète s’invite à l’université » et « La planète s’invite au travail », il y a maintenant « La planète s’invite en agence ».

Mme Claveau a deux filles, dont une de 9 ans qui lui parle toujours d’environnement. Lorsque les propos de cette dernière faisaient écho aux conversations entendues au bureau, sa décision a été prise. 

Ma volonté, c’était de leur laisser l’opportunité d’aller manifester. Tout le monde se sentait interpellé par le mouvement.

Rachelle Claveau, PDG de Publicis

La PDG estime que la moitié du personnel de l’agence envisage de participer à la marche. « On ne peut pas fermer complètement les opérations parce que nos clients ont des délais et il faut les respecter, dit-elle. Mais les employés disposent d’un horaire flexible, alors plusieurs ont prévu de se libérer vendredi prochain. »

Parmi les autres entreprises dont le personnel aura la possibilité de s’absenter, il y a un cabinet d’avocats, des boutiques de mode, des coopératives, des librairies, des agences de voyages, etc. Selon les organisateurs de la manifestation, d’autres entreprises pourraient s’ajouter d’ici à vendredi.