SNC-Lavalin a cédé vendredi, en échange d'une somme qui pourrait atteindre 3,25 milliards de dollars, une portion de sa participation dans l'autoroute à péage 407 ETR, à Toronto, une véritable vache à lait. Qu'est-ce que cela signifie pour SNC ?

Comment une autoroute payée 3,1 milliards de dollars en 1999 peut-elle aujourd'hui valoir plus de 30 milliards ? En 20 ans, l'autoroute 407 ETR s'est transformée en véritable machine à imprimer de l'argent.

En payant entre 3 et 3,25 milliards pour faire l'acquisition de 10,01 % de l'autoroute à péage 407 ETR (pour « Express Toll Route »), vendredi, le fonds de pension OMERS lui a attribué une valeur d'un peu plus de 30 milliards.

Pourtant, en mai 1999, un groupe formé de SNC-Lavalin, des sociétés espagnoles Ferrovial et Cintra et de la Caisse de dépôt et placement du Québec n'avait dû débourser que 3,1 milliards de dollars pour mettre la main sur le droit d'exploiter l'autoroute pendant 99 ans, jusqu'en 2098.

Le contrat original prévoyait toutefois l'obligation d'investir d'importantes sommes pour la prolonger et en augmenter la capacité. Alors qu'à l'époque ses voies faisaient 643 km de long, la 407 ETR en comptait à la fin de 2018 près du double (1217 km). Au total, l'autoroute s'étire maintenant sur 108 kilomètres entre Pickering, à l'est de Toronto, et Burlington, à l'ouest.

La Caisse, qui y avait placé 300 millions, a déclaré trois ans plus tard, en revendant sa participation, y avoir réalisé un gain de 370 millions. Il s'agissait de son tout premier placement dans une infrastructure.

Revenus en hausse, dépenses stables

En 20 ans, la fréquentation de l'autoroute 407 n'a cessé de croître. Le nombre de déplacements moyens par jour y a augmenté de 75 %, passant d'environ 237 000 à 415 000.

Le consortium attribue cette hausse à la « croissance économique générale et à l'augmentation de la population dans les environs de l'autoroute 407 ETR, à la capacité accrue de celle-ci, à la congestion croissante sur les autres autoroutes et à l'acceptation grandissante du concept de route à péage par le public voyageur au sein de la [région de Toronto] et des régions avoisinantes ».

Cette hausse s'est transformée en très importants profits. En 2018, l'autoroute a dégagé un bénéfice net de 539 millions, correspondant à une marge nette astronomique de 38,8 % sur ses revenus de 1,39 milliard.

Les actionnaires actuels, l'entreprise espagnole Cintra (43,23 %), l'Office d'investissement du régime de pension du Canada (40 %) et SNC-Lavalin, se sont partagé en 2018 la rondelette somme de 920 millions en dividendes.

En outre, la tendance est plus que favorable. Au cours des cinq dernières années, ses revenus ont progressé de 56 %, alors que ses charges d'exploitation sont essentiellement demeurées stables. Son bénéfice net a ainsi plus que doublé, passant de 222,2 millions à 539 millions.

Probablement attiré par ces chiffres, le gouvernement ontarien a décidé en 2009 de conserver pour lui-même la propriété du prochain tronçon de l'autoroute 407. Celui-ci, situé à l'est de la 407 ETR, a été ouvert à la circulation en 2016. Il est lui aussi à péage, mais les sommes perçues vont à la province.

Autoroute 407 : les marchés espéraient davantage

SNC-Lavalin a vendu vendredi près de 60 % de sa principale vache à lait, sa participation de 16,77 % dans l'autoroute à péage 407 ETR, en échange d'une somme pouvant atteindre 3,25 milliards de dollars, un prix qui a légèrement déçu les analystes financiers.

La multinationale québécoise avait annoncé il y a plusieurs mois déjà son intention de céder une partie de sa participation dans cette autoroute, située dans la région de Toronto, afin d'assainir son bilan en réduisant son endettement.

C'est finalement le fonds de pension ontarien OMERS qui a remporté la mise, en versant 3 milliards immédiatement en échange de 10,01 % des actions de l'entreprise qui exploite l'autoroute. Une somme additionnelle de 250 millions pourrait être versée au cours des 10 prochaines années, si certains critères de performance financière sont atteints.

SNC-Lavalin conservera une participation de 6,76 %. À l'origine, l'entreprise semblait plutôt avoir l'intention de conserver une participation d'environ 10 %. Une porte-parole de l'entreprise contactée vendredi pour obtenir des précisions sur les raisons ayant mené à ce changement d'orientation n'a pas répondu à notre appel.

Après impôts, la transaction accorde une valeur de 27 $ par action de SNC-Lavalin à la participation de 16,77 % qu'elle détenait, ont calculé vendredi plusieurs analystes. Avant la transaction, leurs estimations étaient légèrement plus élevées, atteignant dans certains cas jusqu'à 30 $ par action.

L'écart explique le recul encaissé par l'action de SNC, vendredi, à la Bourse de Toronto. Celle-ci a terminé la journée en baisse de 1,6 %, à 33,92 $.

La réaction des analystes, vendredi, était directement liée à leur estimation préalable de la valeur de l'actif.

« Nous notons que la vente implique un multiple de transaction attrayant (33,5 fois le BAIIA des 12 derniers mois), permet à SNC de réduire significativement son endettement et lui procure un capital additionnel qu'elle pourra affecter à des usages bénéfiques aux actionnaires, comme des rachats », a ainsi écrit Michael Tupholme, de TD Securities, dont l'estimation était de 27,19 $.

« Nous croyons que plusieurs investisseurs seront déçus de l'évaluation que la transaction implique et nous prévoyons que l'action sera sous pression [vendredi] », a écrit pour sa part Devon Dodge, de BMO, dont l'estimation était de 30 $.

Dettes et rachat d'action

Après impôts, la transaction devrait emmener environ 2,61 milliards dans les coffres de SNC-Lavalin, ou jusqu'à 2,83 milliards si la prime de 250 millions devait être versée, selon les estimations de Michael Tupholme, de TD Securities.

La première affectation de cette somme sera le remboursement anticipé d'une tranche de 600 millions d'un emprunt de 1,5 milliard contracté auprès de la Caisse de dépôt dans le cadre de l'acquisition de la firme britannique Atkins, en 2017.

Le reste de la somme perçue sera affecté au rachat d'autres dettes et à d'autres possibilités. Dans son communiqué, la direction de SNC évoque notamment la possibilité d'un programme de rachat d'actions.