Un bénéfice toujours en hausse, mais une baisse de l'activité dans les infrastructures télécoms : le chinois Huawei, mis à l'index dans plusieurs pays, a accusé le coup de la vindicte des États-Unis l'an dernier.

Soupçonné d'espionnage potentiel au profit de Pékin, le groupe de Shenzhen a vu le chiffre d'affaires de sa branche infrastructures (qui fournit connectivité, réseaux et périphériques) reculer de 1,3 % en 2018. Elle avait encore gagné 2,5 % l'année précédente.

Cet indicateur dans le rouge est le premier signe tangible de l'impact de la pression américaine à l'encontre de Huawei, dont les équipements, considérés comme parmi les plus performants à l'échelle mondiale, sont soupçonnés par Washington d'offrir une porte dérobée à Pékin pour potentiellement espionner les communications des pays qui les utiliseraient.  

Les États-Unis n'ont jamais apporté de preuve - du moins publiquement - pour étayer ces accusations, mais ils pressent leurs alliés de se passer des infrastructures de Huawei, à l'aube du déploiement dans le monde de la 5G, la future génération ultrarapide de l'internet mobile.

« Dans l'adversité... »

« Les préoccupations en matière de sécurité ont un impact sur Huawei, car de plus en plus de pays imposent des restrictions sur le matériel réseau de l'entreprise », analyse Brock Silvers, directeur général du cabinet Kaiyuan Capital.  

Dernier épisode en date, Londres a pointé jeudi les « nouveaux risques » que ferait peser Huawei sur la sécurité des réseaux de télécommunications du Royaume-Uni.

« Cette campagne lancée par les États-Unis ne fait que commencer et il est peu probable qu'elle s'estompe rapidement », selon Brock Silvers, alors que Pékin et Washington sont engagés depuis l'an dernier dans un bras de fer commercial et diplomatique.

L'arrestation en décembre de la directrice financière de Huawei à Vancouver, à la demande de la justice américaine, a porté un coup à l'entreprise. Meng Wanzhou est soupçonnée d'avoir menti à plusieurs banques pour que Huawei puisse accéder au marché iranien entre 2009 et 2014, en violation des sanctions américaines. Elle risque une extradition vers les États-Unis.

Lors de la publication de ses résultats annuels vendredi, le géant des télécoms a implicitement reconnu des difficultés, promettant de faire tout son possible « pour ignorer les distractions extérieures », dans un communiqué intitulé... « Dans l'adversité, une croissance à la hausse ».

L'Europe, important marché

Car en dépit de la pression américaine, Huawei a globalement résisté. Son bénéfice net a connu une augmentation de 25 % sur un an, à 59,3 milliards de yuans (7,9 milliards d'euros).  

Ses ventes ont également bondi (+19,5 % sur la période), largement portées par les téléphones intelligents et autres tablettes, qui représentent plus de 45 % de son chiffre d'affaires.  

Ses téléphones ont permis à la marque de se faire connaître du grand public à l'international, notamment en Europe.

Ce marché est d'autant plus important pour Huawei qu'il subit la concurrence des autres fabricants chinois (Oppo, Xiaomi, Vivo...) dans son pays.

Cette semaine, c'est d'ailleurs à Paris que le groupe a lancé son P20, un téléphone intelligent dopé à l'intelligence artificielle et doté d'un capteur photo pouvant rivaliser avec les appareils traditionnels.

« Le monde ne peut pas se passer de nous car nous sommes plus avancés » que la concurrence, avait plastronné en début d'année le fondateur de Huawei Ren Zhengfei dans un rare entretien accordé à la BBC.