Le gouvernement Trudeau a célébré vendredi la Journée internationale des droits des femmes en vantant ses nombreuses mesures visant à soutenir et à augmenter le nombre de femmes entrepreneures. Cependant, certaines chefs d'entreprises voudraient que le gouvernement fédéral en fasse davantage.

Un an après que les libéraux eurent annoncé des engagements d'une valeur de 2 milliards dans le cadre de leur stratégie en faveur de l'entrepreneuriat féminin, certaines dirigeantes ont déclaré que celle-ci devrait être peaufinée pour profiter vraiment aux entreprises dirigées par des femmes.

Vendredi, le gouvernement a annoncé un premier groupe de bénéficiaires du Fonds pour les femmes en entrepreneuriat. La liste comprend 13 entreprises qui recevront chacune jusqu'à 100 000 $.

La ministre de la Petite Entreprise et de la Promotion des exportations, Mary Ng, affirme que son objectif est de doubler le nombre de femmes entrepreneures d'ici 2025.

Seulement 16 % des petites et moyennes entreprises ont des propriétaires féminines ou sont dirigées par des femmes, selon la ministre.

Mais certaines dirigeantes comme Audrey Mascarenhas, présidente et chef de la direction de Questor Technology, croient que la stratégie fédérale devrait être améliorée pour aider vraiment les entrepreneures.

« J'ai zéro sur 12 », a déclaré Mme Mascarenhas, à propos de son taux de réussite dans ses applications pour les programmes destinés aux femmes.

« Alors, je ne postule plus parce que c'est juste une perte de temps. »

Questor est une entreprise albertaine qui fabrique des incinérateurs pour traiter des gaz résiduaires notamment dans des sites d'enfouissement et des raffineries.

Mme Mascarenhas connaît bien l'initiative du gouvernement fédéral : elle a présidé la table sectorielle de stratégies économiques sur les technologies propres. C'était l'une des six tables sectorielles formées par Ottawa pour trouver des moyens de faire en sorte que le Canada profite pleinement de ses atouts et en tire les avantages économiques.

Dans son cas, Mme Mascarenhas s'est fait dire que son entreprise de technologies propres avait trop de succès pour obtenir le moindre soutien.

Mais la dirigeante fait valoir qu'elle affronte les mêmes défis que toutes les autres entreprises de technologie. Et ce secteur juge que le Canada offre peu de soutien pour les sociétés émergentes, qui sont fragiles en début de parcours.

« Comment allons-nous créer des modèles pour les futures femmes si nous nous concentrons uniquement sur celles qui ont du mal ?, a-t-elle plaidé. Nous devons commencer à être stratégiques : ne pas saupoudrer de la poussière de fée sur tout, ne pas se concentrer sur les personnes en difficulté, leur donner tout l'argent et ne jamais espérer un retour sur cet investissement. »

Difficile de rester au pays

Mme Mascarenhas affirme que 98 % des affaires de son entreprise se déroulent à l'extérieur du Canada, ajoutant qu'il était de plus en plus difficile pour elle de rester au pays.

Au cours des dernières années, de hauts responsables du gouvernement américain ont tenté de la faire venir aux États-Unis, a-t-elle confié. L'ancien ambassadeur des États-Unis Bruce Heyman et l'ancienne secrétaire américaine au Commerce Penny Pritzker l'ont contactée pour lui demander ce qu'ils pourraient faire pour aider Questor à se développer au sud de la frontière, a-t-elle relaté.

Connie Stacy, présidente de Growing Greener Innovations, dit avoir elle aussi eu de la difficulté à accéder aux fonds d'Ottawa pour les femmes entrepreneures. Son entreprise d'Edmonton, en pleine expansion, fabrique des blocs d'alimentation portables destinés à remplacer les génératrices. Elle a assuré que ses activités suscitaient un intérêt international considérable.

Elle a récemment obtenu un soutien fédéral de 30 000 $ pour la première fois afin de développer du matériel web et d'assister à des salons professionnels aux États-Unis.

Mais elle souligne que le financement est relativement modeste quand on considère les coûts élevés de fabrication.

Un processus « frustrant »

Mme Stacy tente maintenant d'obtenir des fonds par l'entremise de la Banque de développement du Canada, à partir de laquelle Ottawa a affecté 1,4 milliard sur trois ans pour les femmes entrepreneures.

Mais dans l'ensemble, c'est frustrant, a-t-elle déploré.

« Dans les autres programmes fédéraux, nous avons été refusés chaque fois », a déclaré Mme Stacy, qui souhaite également rester au Canada.

Elle envisage toutefois une ouverture aux investissements étrangers et éventuellement un déménagement pour que son entreprise poursuive sa croissance.

« Je connais certainement beaucoup de femmes propriétaires d'entreprises. Je ne pense pas en avoir rencontrées qui aient vraiment réussi à accéder à certains de ces programmes », a-t-elle constaté.

Interrogée sur le soutien aux entreprises en phase intermédiaire, Mme Ng a déclaré qu'elle avait entendu cette préoccupation.

Elle a insisté pour dire que le gouvernement intervenait pour remédier à la situation, notamment par l'intermédiaire de la Banque de développement du Canada.

Le gouvernement entendra également les recommandations d'un nouveau groupe d'experts sur l'entrepreneuriat féminin.