(Montréal) Citant entre autres les prix de l’aluminium, Rio Tinto a décidé de mettre sur la glace, pour une période indéterminée, deux importants projets qui étaient évalués par le géant minier australo-britannique au Québec.

Par l’entremise d’un message transmis mercredi à ses travailleurs, l’entreprise renonce ainsi à son projet de centre de billettes à son site d’Alma, qui aurait pu se traduire par l’ajout d’une cinquantaine d’emplois permanents, ainsi qu’à la construction de 16 nouvelles cuves à son usine AP60 d’Arvida, au Saguenay.

« Dans ces conditions difficiles, nous nous concentrons à trouver des solutions pour renforcer notre résilience afin d’être plus concurrentiels à l’échelle mondiale », peut-on lire dans la missive.

Les billettes sont achetées avant d’être transformées par, notamment, des fabricants de pièces automobiles, d’équipements de transport et de matériaux de construction. Quant à l’usine AP60, l’ajout de cuves aurait permis une augmentation de 50 % de la production annuelle.

Rio Tinto évaluait ces projets au moins depuis l’été dernier lorsqu’elle avait annoncé le renouvellement de son entente de continuité avec le gouvernement québécois et un investissement de 200 millions à Arvida.

À l’époque, le directeur exécutif des opérations Atlantique de Rio Tinto, Gervais Jacques, avait indiqué, au cours d’une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, que ces deux projets représentaient des investissements potentiels d’environ 300 millions.

Mais actuellement, le prix de la tonne d’aluminium se négocie aux alentours de 1700 $ US, soit à un niveau « plus bas qu’au milieu de la dernière crise financière », souligne Rio Tinto dans son message.

« Selon les experts, cette situation pourrait se détériorer davantage, prévient la compagnie. L’incertitude politique et le ralentissement de l’économie mondiale ont tous deux eu des impacts négatifs sur la demande, tandis que l’offre sur le marché asiatique était trop abondante. »

Au cours d’un entretien téléphonique, un porte-parole de Rio Tinto, Simon Letendre, a indiqué que l’entreprise ne devrait pas changer son fusil d’épaule à moins d’une remontée marquée du prix de l’aluminium.

Celui-ci a ajouté que le gouvernement Legault avait été informé des intentions du géant minier. Mardi, une image d’une rencontre entre M. Jacques et le premier ministre François Legault avait été relayée sur le compte Twitter de ce dernier.

Si elle n’ira pas de l’avant avec ces deux projets, la multinationale souligne qu’elle a déjà annoncé des investissements de 250 millions à son usine d’alumine Vaudreuil et qu’elle effectue en moyenne des investissements de 350 millions par année dans d’autres initiatives au Québec.

Par voie de communiqué, le Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma, associé au Syndicat des Métallos, dit avoir appris avec une « grande déception » la décision de Rio Tinto, reprochant à l’entreprise un manque de vision.

Leur président, Sylvain Maltais, a rappelé que les Métallos avaient accepté de rouvrir leur convention collective afin de garantir la paix industrielle l’an dernier.

« Pour une énième fois, la compagnie a fait miroiter des investissements qui ne se concrétisent pas, a-t-il déploré. À tergiverser comme ça, on manque le bateau et on va se retrouver les mains vides dans quelques années lorsque le marché sera en demande. »

M. Maltais a souligné que la prolongation du contrat de travail qui était en vigueur ne tenait plus à l’usine d’Alma, ce qui signifie que des négociations « auront donc lieu dès 2020 » entre l’employeur et le syndicat.

La nouvelle mouture de l’entente entre Rio Tinto et Québec remplaçait celle qui avait été conclue en 2006 entre le gouvernement libéral de Jean Charest et Alcan, avant que celle-ci ne soit avalée par Rio Tinto. L’échéance avait été prolongée de quatre ans, soit jusqu’à la fin de 2025.