Le plastique a mauvaise réputation par les temps qui courent. La multinationale d’équipement de bureau HP, qui vend des milliards de cartouches d’encre autour du monde chaque année, a compris le message.

C’est Groupe Lavergne, entreprise de recyclage de plastique établie à Montréal, qui l’aide notamment à fabriquer de nouvelles cartouches d’encre à partir de bouteilles d’eau, d’anciens claviers d’ordinateurs et d’une foule d’autres rebuts en plastique. Si leur partenariat date de près de 20 ans, les choses se sont mises à rouler plus rondement ces dernières années avec le réaménagement d’une usine qui lui a permis de se doter d’une série d’outils à la fine pointe.

Une visite de l’usine en question, établie au cœur du quartier industriel d’Anjou depuis 1998, aurait de quoi ravir les amateurs de technologies vertes. Malgré une superficie de 160 000 pieds carrés, les employés se font rares. Le processus est si automatisé que le déroulement des opérations exige une main-d’œuvre réduite – en fait, ce sont 40 employés qui se partagent les tâches dans cette usine qui roule 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

C’est tout un labyrinthe que devra parcourir le plastique entre l’arrivée des ballots de matériel à recycler et leur transformation en plastique réutilisable de qualité. Ici, il ne s’agit pas de simplement remplir des cartouches d’encre usagées : des investissements importants en innovation permettent aujourd’hui à Groupe Lavergne de fournir à ses clients de la matière pour des applications « haut de gamme », comme des pièces automobiles, électroniques, d’électroménagers et de mobilier.

Le matériel recyclable arrive à l’usine et est dirigé vers le déchiquetage. Les amoncellements de plastique ainsi créés passent alors par un processus de séparation, où les types de polymères sont triés. Arrive ensuite l’étape du mélange pour l’uniformisation du plastique afin d’éviter des disparités dans la qualité. On prépare un cocktail d’additifs sur mesure à la demande du client, afin de rehausser la qualité du produit fini ou encore pour lui donner l’aspect désiré. Finalement, le plastique est fondu avec les additifs, de longs filaments chauds sont refroidis dans des bassins d’eau, solidifiés, découpés en petits morceaux et… le tour est joué. Le produit fini est mis en boîte, estampillé et envoyé.

Ce procédé hautement technique est, entre autres, ce qui permet à HP de fabriquer ses cartouches en économisant plus 20 000 tonnes de plastique neuf par année.

De grands acteurs comme clients

Selon Jean-Luc Lavergne, président fondateur du groupe qui porte son nom, HP représente environ 25 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, une proportion qui baisse d’année en année à mesure que croît et se diversifie sa clientèle. En effet, le plastique revalorisé par l’entreprise québécoise a trouvé preneur chez de grands acteurs qui désirent reverdir leur image, dont des sociétés automobiles : BMW, Mercedes et General Motors. Keurig et Dyson sont aussi clients.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean-Luc Lavergne, président fondateur de Groupe Lavergne, et Frances Edmonds, directrice du développement durable chez HP Canada

En avril dernier, HP a annoncé qu’elle investissait 2 millions pour élargir les activités de Groupe Lavergne en Haïti. « D’ici le début de l’année prochaine, on aura une unité de production sur place », dit M. Lavergne. Cela permettra à l’entreprise de revaloriser le plastique sur place, alors que maintenant, elle ne fait que l’enlèvement et le déchiquetage avant d’envoyer le tout à Anjou, à près de 3000 kilomètres de distance.

Alors que plusieurs pays d’Asie ont cessé de recevoir les matières résiduelles de pays occidentaux et que la pression monte sur les industries pour réduire leur empreinte environnementale, Groupe Lavergne se retrouve dans un contexte favorable à la croissance. « Par ricochet, tout ça, c’est une bonne chose pour nous, dit le président. La pression est aux bons endroits. On a une plus grande chance aujourd’hui qu’il y a quelques années. »

Des plans d’installation en Belgique et des agrandissements d’usines au Viêtnam et en Haïti sont prévus dans un futur proche pour l’entreprise.

Les actions du géant américain en chiffres

Produire de nouvelles cartouches d’encre à partir d’une combinaison de cartouches usagées et de plastique recyclé permet à HP de réduire son empreinte environnementale de différentes façons.

1 million Nombre de bouteilles de plastique que HP dit recycler par jour

60 % Réduction de l’énergie fossile réalisée par HP grâce à ce procédé

39 % Réduction de la quantité d’eau utilisée par HP grâce à ce procédé

21 250 Poids (en tonnes) de plastique recyclé utilisé par HP dans ses produits en 2018

4,34 millions Nombre d’unités remises sur le marché, réusinées ou réutilisées