(Montréal) Le gouvernement Legault se retrouve avec une plainte déposée contre lui à l’Organisation internationale du travail — une agence de l’ONU — par le syndicat des Métallos, à cause des déclarations du premier ministre dans le dossier de l’Aluminerie de Bécancour.

Dans sa plainte, qui a été présentée aux médias au cours d’une conférence de presse, lundi à Montréal, le syndicat des Métallos, qui est affilié à la FTQ, reproche au premier ministre François Legault un parti pris évident en faveur de l’employeur.

«Le gouvernement a traversé une ligne qu’il ne devait pas traverser, c’est-à-dire prendre position dans un conflit, où est-ce que le premier ministre, son rôle devrait être plutôt de ramener les gens ensemble à une table de négociation», a lancé le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau.

À plusieurs occasions, le premier ministre Legault avait qualifié de déraisonnables les demandes du syndicat et avait tenté d’accroître la pression sur les syndiqués en estimant le coût du conflit de travail à 500 millions pour la région. Il avait révélé que les travailleurs gagnaient quelque 90 000 $ et avait notamment critiqué le nombre d’heures de libérations syndicales et les contributions des parties au régime de retraite.

Or, les 1030 syndiqués d’ABI ne font pas la grève. C’est plutôt l’entreprise qui a décrété un lock-out, le 11 janvier 2018, en les mettant à la rue.

De plus, le président de la section locale 9700 du syndicat des Métallos, Clément Masse, a souligné que le syndicat n’a fait aucune demande; c’est plutôt l’employeur qui demande des concessions aux syndiqués. «Depuis le début, on n’a jamais été en demande dans ce dossier-là ; c’est toujours l’employeur qui est en demande», s’est exclamé M. Croteau.

«Du jamais vu au Québec»

Dominic Lemieux, adjoint au directeur québécois du syndicat des Métallos, estime que le premier ministre a ainsi critiqué le syndicat ou les travailleurs «neuf ou douze fois», sans émettre de critiques du même ordre à l’endroit de l’employeur, la multinationale Alcoa, qui est copropriétaire d’ABI avec Rio Tinto (respectivement 75 et 25%).

«C’est assez inusité de voir qu’un premier ministre puisse agir comme ça. On n’a jamais vu au Québec, dans l’histoire moderne, une telle ingérence de la part d’un gouvernement», a critiqué M. Lemieux. À ses yeux, il est clair que par ses interventions à l’encontre des syndiqués et du syndicat, «le premier ministre a nui au processus de négociation».

Celles-ci sont d’ailleurs au point mort, après 17 mois de lock-out précisément mardi.

Dans sa plainte, le syndicat des Métallos invoque la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et aux droits fondamentaux au travail de 1998 et la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de 1977.

Après le dépôt de la plainte, lundi, le gouvernement devra y répondre et s’expliquer. Le processus est long; il peut prendre un à deux ans, a souligné l’avocate au dossier, Me Katherine-Sarah Larouche.

L’Organisation internationale du travail est une agence de l’ONU qui réunit des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de 187 pays. Elle peut émettre des recommandations. Son pouvoir est donc essentiellement moral.

Réplique de Legault

Interrogé alors qu’il participait à la Conférence de Montréal, le premier ministre Legault n’a pas voulu retirer ses propos. Il a simplement répliqué : «J’essaie de régler les problèmes, puis j’ai donné mon opinion et je n’ai rien à ajouter».