(Montréal) Bombardier n’a pas l’intention de modifier sa structure d’actionnariat en dépit de l’appui des deux principales agences de conseil aux actionnaires à une proposition visant à abolir les actions à droits de vote multiples.

Glass Lewis et Institutional Shareholder Services (ISS) endossent la démarche du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), qui estime que le temps est venu de mettre fin à la structure permettant à la famille Beaudoin-Bombardier de contrôler le constructeur d’avions et de trains.

« Bombardier est satisfaite avec la structure actuelle, qui sert bien l’intérêt à long terme de la compagnie », a indiqué jeudi son porte-parole Olivier Marcil, en réaction à ces deux rapports distincts récemment publiés.

Si ISS et Glass Lewis sont en faveur de l’élimination des actions à droits de vote multiples, elles recommandent toutefois de voter en faveur de l’élection de tous les administrateurs proposés ainsi que de la politique de rémunération — ce qui n’a pas toujours été le cas au cours des dernières années.

D’après les firmes, la structure actuellement en vigueur chez Bombardier ne favorise généralement pas l’intérêt des actionnaires ordinaires.

« Nous estimons qu’autoriser une voix par action constitue généralement une garantie pour les actionnaires ordinaires puisque ceux qui détiennent une minorité significative d’actions sont en mesure d’intervenir sur les questions soulevées par le conseil, notamment quant au processus d’élection des administrateurs », explique Glass Lewis.

La famille Beaudoin-Bombardier contrôle 50,9 % des droits de vote alors qu’elle ne détient que 12,2 % du total des titres en circulation.

Cette dernière a parfois été la cible de critiques — notamment lorsqu’elle a bénéficié d’appuis des gouvernements alors que Bombardier traversait des turbulences financières — en raison du contrôle qu’elle exerce grâce à ses actions de catégorie A, porteuses de 10 droits de vote chacune.

Refus certain

Ainsi, lors de l’assemblée annuelle des actionnaires du 2 mai, Bombardier pourra opposer une fin de non-recevoir à la démarche du MÉDAC, qui ne s’en formalise toutefois pas.

« Ce qu’on dit, c’est que le seul moyen à la disposition des actionnaires pour discuter de ce type de sujet, c’est le mécanisme des propositions d’actionnaires, a expliqué son coordonnateur, Willie Gagnon. Et l’endroit où cela doit se dérouler, c’est à l’assemblée. »

Dans sa proposition, le MÉDAC justifiait sa proposition par le « peu de considération des actionnaires de contrôle pour l’intérêt des parties intéressées » ainsi qu’un « démantèlement progressif de la société au fil des ans ».

Pour sa part, Bombardier réplique en affirmant que les actions à droits de vote multiples sont en place depuis 1980 et que les investisseurs qui choisissent d’investir dans Bombardier en sont « pleinement conscients ».

« La structure […] protège la direction des pressions trimestrielles exercées par les analystes et les investisseurs à court terme et lui permet de se concentrer sur le succès et la rentabilité à long terme de la société, ce qui lui donne, par le fait même, la latitude requise pour prendre des décisions de création d’emplois et d’investissement à long terme », réplique l’entreprise.

Pas toute seule

Au Québec, des fleurons comme Alimentation Couche-Tard, CGI et Québecor disposent d’une telle structure d’actionnariat. Ce régime devrait toutefois prendre fin chez l’exploitant de dépanneurs et de stations-service en 2021 en vertu d’une clause crépusculaire signée en 1995.

Yvan Allaire, président-directeur du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), a nuancé les rapports d’ISS et de Glass Lewis, estimant que ces firmes étaient les « porteurs d’eau » de gestionnaires de fonds d’investissement qui « n’ont jamais aimé les actions à droits de vote multiples ».

« Ils ont une perspective très américaine où seul l’actionnaire compte, a-t-il expliqué au cours d’un entretien téléphonique. Cela ne tient pas compte du contexte canadien où il n’y a pas de mécanisme de défense contre les prises de contrôle hostiles, contrairement aux États-Unis, où il y en a de moins en moins parce que les grands fonds tentent de les éliminer. »

En février, l’IGOPP avait publié un rapport dans lequel il prenait position en faveur des actions multivotantes, en faisant valoir que ces titres permettent aux entrepreneurs de mieux gérer et planifier les activités des sociétés qu’ils ont fondées, tout en les protégeant contre les prises de contrôle hostiles.