Sous la pression des actionnaires, la direction du géant allemand de l'acier Thyssenkrupp a annoncé jeudi vouloir scinder le groupe, signant la fin de sa structure de conglomérat, une spécificité historique allemande.

«Les activités de matériaux et les biens d'équipements devraient être à l'avenir dirigées de manières indépendantes à travers deux sociétés capitalisées», a indiqué, dans un communiqué, la direction du groupe, dont la proposition reste soumise à l'aval du conseil de surveillance, qui doit se réunir dimanche.

La direction veut créer une structure, «Thyssenkrupp Industrials», qui regroupera les activités de pièces détachées, d'ascenseurs, de construction industrielles et d'ingénierie.

De l'autre côté, «Thyssenkrupp Materials» chapeautera ses activités de construction navale et surtout son coeur de métier, l'acier, lui-même en pleine mutation.

159 000 employés

Le groupe est issu de la fusion en 1998 des deux géants allemands de l'acier, et rivaux, Krupp et Thyssen, qui avaient incarné pendant plus d'un siècle la puissance industrielle de l'Allemagne, y compris sa mise au service de la redoutable machine à tuer nazie.

La fondation Krupp, actionnaire principal du groupe (21%) a tenté, en vain, de préserver l'empire familial intact

«Il n'y aura pas d'éclatement de l'entreprise avec moi», avait déclaré au début de l'été Ursula Gather, présidente de la fondation Krupp, dans une entrevue au magazine allemand Der Spiegel, estimant vouloir «préserver les emplois».

Le groupe n'a pas donné de détail sur les conséquences sur l'emploi de ce plan de restructuration.

Les syndicats, inquiets pour les quelque 159 000 salariés du groupe à travers le monde, avaient déjà fait savoir qu'ils s'opposeraient à la stratégie de deux de ses actionnaires, les fonds Cevian et Elliott.

Sur le plan juridique et capitalistique, le groupe de Essen prévoit ainsi d'avoir recours lors d'une assemblée générale «dans les 12 à 18 mois prochains» au spin off : les actionnaires n'auront plus une, mais deux actions distinctes, selon une valorisation restant à déterminer.

«Terrorisme psychologique»

Le groupe a récemment bouclé la fusion de ses activités sidérurgiques avec le pôle européen du géant indien Tata, pour contrer la déferlante de l'acier chinois et devenir le numéro deux européen derrière ArcelorMittal.

Mais l'opération a viré au psychodrame au sein de la direction du groupe. En juillet, le patron, Heinrich Hiesinger, et le président de son conseil de surveillance, Ulrich Lehner, défenseurs de l'unité du conglomérat, annonçaient leur démission.

Brisant l'habituelle omerta régnant sur ces grands vaisseaux industriels, Ulrich Lehner avait déclaré dans la presse allemande que deux de ses actionnaires très pressants, les fonds Cevian et Elliott, pratiquaient du «terrorisme psychologique» envers la direction.

Ces deux fonds dits «activistes» plaident depuis des mois pour une mutation en profondeur du conglomérat et la cession d'autres branches susceptibles d'augmenter leurs marges et faire monter le cours de l'action.

Et Thyssenkrupp n'est pas le premier à plier. Les historiques konzern allemands - la réunion d'entreprises offrant des produits différents au sein d'un même groupe financier - se comptent sur les doigts de la main.

Siemens est en pleine réorganisation sous la pression de ses actionnaires pour démanteler la structure jugée anachronique, tandis que le groupe Bayer se recentre sur les activités pharmaceutiques et agrochimiques.

À la Bourse de Francfort, le titre de Thyssenkrupp a terminé jeudi en hausse de 9,92 % à 22,06 euros, après avoir atteint jusqu'à +17% en séance, sur fond de rumeurs sur l'annonce de cette scission.