La décision unilatérale du gouvernement Couillard de sabrer dans les honoraires des pharmaciens pour atteindre l'équilibre budgétaire est complètement «démesurée», croit le président et chef de la direction du Groupe Jean Coutu (T.PJC.A), François Coutu.

Si le projet de loi 28 - déposé en novembre dernier - permettra aux pharmaciens de facturer trois nouveaux actes, ces derniers devront en revanche laisser sur la table environ 177 millions en honoraires, a estimé M. Coutu, jeudi.

«Nous avons été surpris par l'ampleur de ces coupes et plusieurs de nos pharmaciens propriétaires sont préoccupés. Je ne veux pas être trop émotif», a-t-il dit, lors d'une conférence téléphonique concernant les résultats du troisième trimestre de l'entreprise.

Ce projet de loi à volets multiples vise à légaliser diverses mesures, dont celles touchant les pharmaciens, afin de renouer avec le déficit zéro en 2015-2016.

S'il dit comprendre la révision des dépenses du gouvernement Couillard, le patron de l'entreprise établie à Longueuil se demande pourquoi les pharmaciens écopent, alors qu'ils peuvent donner un coup de pouce afin de désengorger le réseau de la santé.

Questionné par les analystes, M. Coutu a dit que les pharmacies québécoises représentent une «aubaine» pour Québec puisqu'elles sont ouvertes sept jours sur sept et que les services fournis sont «concurrentiels» et appréciés par la population.

«C'est drôle, parce que le gouvernement a besoin de nous pour fournir davantage de services (...) et en même temps, ils disent: nous allons (imposer) des réductions sur ce que vous faites si bien depuis des années», a déploré le patron du Groupe Jean Coutu.

Il n'a toutefois pas indiqué si des pharmaciens pourraient être tentés, directement ou indirectement, de refiler la facture aux consommateurs, en imposant des frais accessoires additionnels pour compenser le manque à gagner.

M. Coutu, qui espère des assouplissements de la part de Québec d'ici l'adoption du projet de loi 28, s'est rangé derrière l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) en ce qui a trait aux pourparlers avec le gouvernement Couillard.

Puisque le projet de loi a été déposé avant la période du temps des Fêtes, le dirigeant du Groupe Jean Coutu a fait savoir qu'il n'y avait pas eu de discussions entourant la réduction des honoraires des pharmaciens.

L'AQPP a de son côté rappelé qu'elle prendrait part aux consultations entourant le projet de loi 28. L'organisme qui représente quelque 1800 pharmaciens propriétaires estime que les compressions annoncées pourraient se traduire par une diminution des services offerts, des heures d'ouverture des pharmacies ainsi que des pertes d'emplois.

L'analyste de RBC Marchés des capitaux Irene Nattel a souligné que le ministre québécois de la Santé avait le pouvoir d'imposer une baisse des honoraires sans négocier, mais qu'elle n'aurait pas «d'impact significatif» sur la rentabilité du Groupe Jean Coutu.

Quant à sa performance financière, l'entreprise a raté la cible des analystes au cours d'un troisième trimestre marqué par une baisse de 10% de ses profits malgré une hausse de son chiffre d'affaires.

Pour la période terminée le 29 novembre, son bénéfice net s'est chiffré à 56 millions, ou 30 cents par action, par rapport à 62,5 millions, ou 30 cents par action, à la même période l'année dernière. Les analystes sondés par Thomson Reuters s'attendaient à un profit par action de 32 cents.

Ce recul du bénéfice net est notamment attribué à l'augmentation de certains frais financiers reliés à la progression de l'action du Groupe Jean Coutu, qui, à la fin du troisième trimestre, valait 27 $, par rapport à 18,26 $ à la période correspondante de l'année précédente.

Quant au chiffre d'affaires de l'entreprise, il a affiché une progression de 3,4% pour s'établir à 736,7 millions.

Cela n'a toutefois pas empêché les investisseurs de réagir négativement au recul du bénéfice net, puisque le titre du Groupe Jean Coutu a cédé 1,55 $, soit 5,7%, pour clôturer à 25,83 $ à la Bourse de Toronto.

Les ventes des établissements comparables - un indicateur clé dans le secteur du commerce de détail - ont progressé de 3,1%. Celles de la section pharmaceutique ont augmenté de 3,8% alors que du côté de la section commerciale, l'augmentation a été de deux%.

«Au cours du trimestre, nous avons lancé deux concours (...) en plus d'organiser deux fins de semaine de soldes en octobre et en novembre (...) ce qui a eu une influence (positive) considérable sur les ventes pendant cette période», a dit M. Coutu.

Par ailleurs, les ventes de médicaments génériques de la marque maison Pro Doc ont bondi de 5,8% pour s'établir à 50,7 millions, en plus de générer un résultat opérationnel avant amortissement de 22,3 millions.

Ces médicaments ont représenté 68,1% des ordonnances au cours du troisième trimestre, en hausse par rapport à 66,7% à la période correspondante de l'an dernier.