Transports Canada va réviser la certification qu'il a accordée en 2017 au 737 MAX 8 de Boeing sur la base des tests effectués par son équivalent américain, la Federal Aviation Administration (FAA). Des révélations parues dimanche ont en effet remis en question la qualité du travail de la FAA.

Des informations démontrant la grande proximité entre Boeing et la FAA américaine ont sévèrement entaché la réputation de cette dernière.

Dès 2012, des employés de la FAA se sont plaints de la trop grande influence dont disposait Boeing dans la certification de ses nouveaux appareils, a indiqué l'agence Bloomberg, dimanche.

Le même jour, le Seattle Times levait le voile sur plusieurs nouvelles informations précises démontrant comment cette proximité avait influencé le processus de certification de la gamme 737 MAX de Boeing, et plus particulièrement du système MCAS, montré du doigt comme étant possiblement à l'origine de deux écrasements mortels en un peu moins de cinq mois.

La FAA a mis en place au cours des dernières années des méthodes selon lesquelles des ingénieurs de Boeing sont autorisés à agir au nom de leur entreprise dans le cadre du processus de certification, avec pour objectif d'en accélérer le traitement.

En ce qui concerne le 737 MAX, le fait que son développement accusait environ neuf mois de retard sur le rival A320neo d'Airbus aurait incité la FAA à déléguer encore plus de tâches à Boeing.

Répercussions au Canada

Quand on lui a demandé, en début de journée hier, s'il maintenait sa confiance dans le processus de la FAA malgré ces révélations, Transports Canada s'est dit incapable de répondre avant aujourd'hui.

Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a toutefois déclaré que le Canada réviserait sa certification du 737 MAX, accordée le 23 juin 2017, environ trois mois et demi après les États-Unis.

« Nous ne changerons peut-être rien, mais nous avons décidé que c'était une bonne idée pour nous de revoir notre approbation du certificat donné au MAX 8. » - Marc Garneau, selon ce qu'a rapporté l'agence Reuters

Transports Canada, qui supervise notamment la certification des appareils de Bombardier, et la FAA ont pour habitude de confirmer de façon presque automatique, généralement en l'espace de quelques semaines, les certifications délivrées par l'autre partie.

« Nous avons une longue tradition avec la FAA et l'EASA [l'équivalent européen] à l'effet que quand l'un de ces organismes certifie un appareil, cette certification est acceptée par les autres, à cause du professionnalisme de ces organisations », avait résumé M. Garneau, la semaine dernière.

Fausses informations

Or la proximité entre Boeing et la FAA aurait fait en sorte que cette dernière disposait d'informations erronées sur le système MCAS, conçu pour pointer le nez de l'avion vers le bas quand il détecte un risque de décrochage.

La documentation de la FAA, selon le Seattle Times, prévoyait ainsi que ce système puisse faire bouger la portion de la queue de l'appareil chargée de faire monter ou baisser le nez d'un maximum de 0,6 degré. En réalité, la limite avait été fixée à 2,5 degrés par Boeing, ce qui permettait au MCAS de faire piquer du nez l'avion dans un angle plus de quatre fois plus fort que prévu.

La FAA ignorait aussi que l'effet du MCAS pouvait être additif. Si un pilote tentait de reprendre le contrôle de l'avion après une première inclinaison de 2,5 degrés, le MCAS pouvait, en se réactivant, appliquer une deuxième inclinaison de 2,5 degrés, atteignant ainsi l'inclinaison maximale de la gouverne, à 5 degrés.

Troisièmement, une défaillance du MCAS avait été classée par la FAA comme étant un problème « dangereux », soit un niveau plus faible que « catastrophique ». Le premier signifie qu'une défaillance peut entraîner la mort ou des blessures sérieuses à un petit nombre de passagers, alors que le second signifie la perte de l'appareil et de multiples morts. La réalité a tristement démontré depuis qu'une défaillance du MCAS pouvait entraîner un écrasement.

La sévérité du niveau « dangereux » aurait quand même dû forcer la FAA à imposer le fait que le système MCAS s'appuie sur les deux détecteurs d'angle d'incidence dont dispose le 737 MAX pour détecter une situation de décrochage, explique-t-on. Or il n'en utilisait qu'un. Une défectuosité de celui-ci serait à l'origine du premier accident mortel, celui de Lion Air, en octobre dernier.