Une entente commerciale hors du commun a été signée hier à Ottawa. Si elle se concrétise, d'immenses dirigeables transporteront du minerai, des employés, de l'équipement et des fournitures dans le Nord-du-Québec.

« Lorsqu'on a trouvé cette technologie, on a dit "bingo, c'est ça qu'on prend" », lance le président du conseil d'administration de l'entreprise montréalaise Quest Rare Minerals, Pierre Lortie, ancien haut dirigeant de Bombardier et de Provigo. Coïncidence ou non, l'action de Quest a bondi de 43 % hier pour clôturer à 15 cents, à la Bourse de Toronto.

Le plan initial de Quest était de faire construire une route de 170 km entre le gisement de terres rares de Strange Lake, à la frontière entre le Québec et le Labrador, et le port de Volsey's Bay, sur la côte du Labrador. Or, l'entreprise n'a pas réussi à s'entendre avec les deux communautés autochtones du Labrador touchées par le projet routier de 350 millions. « On a tout essayé, mais c'était très compliqué », indique M. Lortie.

C'est alors qu'est entré en scène le dirigeable hybride LMH-1 du constructeur américain Lockheed Martin, un mastodonte d'une longueur de 85 m et d'une largeur de 45 m pouvant transporter jusqu'à 20 tonnes de fret à 110 km/h. Il est hybride parce qu'il peut voler à la fois grâce à la portance aérostatique à l'aide d'hélium, comme un dirigeable traditionnel, et grâce à la portance aérodynamique à l'aide de moteurs, comme un avion. Et il peut atterrir à peu près n'importe où, y compris dans la neige.

« C'est un appareil parfaitement adapté à nos besoins », dit Pierre Lortie.

À compter de 2019, Quest prévoit donc utiliser sept dirigeables de Lockheed pour transporter d'abord l'équipement et les fournitures requis pour la construction de la mine, puis environ 200 000 tonnes de concentré de minerai par année une fois la production amorcée.

Les aéronefs relieraient Strange Lake à Schefferville, où la marchandise prendrait le train jusqu'à Sept-Îles, puis le bateau jusqu'à la future usine de Quest, à Bécancour. Les terres rares sont des métaux qui entrent dans la fabrication de nombreux produits industriels et électroniques.

Quest a conclu un protocole d'entente de 10 ans évalué à 850 millions US, y compris les frais de carburant, avec la firme britannique Straighline Aviation. Cette dernière entend commander 12 dirigeables LMH-1 au coût de 480 millions US au début de l'an prochain.

Incertitudes

Malgré les nombreux sourires qu'on a pu voir hier à la conférence de presse, cette aventure audacieuse fait encore face à de nombreuses incertitudes. Seul un prototype du LMH-1 a volé jusqu'ici, et c'était il y a 10 ans, alors que l'engin était destiné à l'armée américaine. Cela dit, Lockheed Martin s'est entendu avec la Federal Aviation Administration des États-Unis et Transports Canada sur les critères de certification du dirigeable.

Quest serait l'un des tout premiers utilisateurs du LMH-1, avec une entreprise de transport et de logistique de l'Alaska.

« C'est sûr que quand tu es dans les premiers, il y a des risques, mais les garanties de Lockheed Martin sont importantes. C'est une entreprise qui a toutes les ressources en ingénierie pour amener ça à bon port. », explique Pierre Lortie.

La mine elle-même est incertaine. En développement depuis plusieurs années, le projet de 1 milliard de dollars n'a pas encore obtenu le feu vert des autorités gouvernementales ni des autochtones. De plus, son financement reste incomplet. « Normalement, on devrait être corrects », assure néanmoins Pierre Lortie, qui entrevoit un début de production en 2020.

Établie à Montréal depuis quelques années, la firme américaine LTA Aérostructures travaille actuellement à mettre au point un dirigeable d'une capacité de 10 tonnes qui serait assemblé au Québec. Quest a toutefois jugé cet aéronef trop petit pour ses besoins.