Le plus sérieusement du monde, la Caisse de dépôt et placement propose d'ouvrir un kiosque de vente de légumes frais au terminus du train électrique à Brossard pour compenser l'empiétement sur le territoire agricole québécois.

Cette suggestion est la seule mesure compensatoire suggérée par la Caisse dans les documents déposés au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) en juillet.

« CPDQ Infra poursuit à ce jour ses démarches afin d'appliquer la mesure H-5 [portant sur la mise en place des mesures compensatoires visant à dynamiser l'activité agricole dans le secteur]. Il a notamment été envisagé d'implanter à la station terminale un kiosque permettant aux agriculteurs locaux d'y vendre leurs produits », lit-on dans un document daté de juillet dernier.

La Caisse veut construire le terminus de son train électrique sur 30 hectares de terre zonée verte dans le quadrant sud-ouest des autoroutes 10 et 30, face au Quartier DIX30. Outre la gare de train, on trouvera un terminus de 15 quais d'autobus et 3000 places de stationnement. Le centre d'entretien principal qui devait initialement y être aménagé sera finalement situé à l'atelier l'entretien de Pointe-Saint-Charles, dans l'île de Montréal.

« Cette localisation, justifie la Caisse, permet de capter, en amont de l'échangeur des autoroutes 10 et 30, les autobus et les automobiles se destinant au REM [Réseau électrique métropolitain] et d'ainsi atténuer les problèmes de congestion routière à Brossard. De plus, le terrain convoité, bien que situé en zone agricole, n'est plus exploité depuis environ dix ans », fait valoir l'institution.

Questionné par La Presse, le porte-parole de la Caisse dans le dossier du train électrique, Jean-Vincent Lacroix, défend la mesure qui semble timide à première vue.

« Il y a plein de choses qu'on regarde. Oui, [le stand] pourrait être une des mesures. Il y en a d'autres qui pourraient s'ajouter. Le but, c'est de définir l'optimisation du tracé et de la station. »

« On va avoir une idée exacte de l'emprise sur la zone agricole. On va rencontrer les partenaires comme l'UPA, la Ville de Brossard et le gouvernement. Ensuite, on va présenter un plan précis pour compenser l'aire agricole qu'on prend. »

Hier, dans un échange subséquent, M. Lacroix a précisé que la Caisse envisageait de remettre en zone verte des terres dézonées comme autre exemple de mesure compensatoire.

Le MAPAQ craint les pressions des promoteurs

Le ministère de l'Agriculture craint que l'attrait d'un tel équipement collectif augmente la pression pour dézoner les parcelles de terres agricoles avoisinantes afin d'y construire des logements.

Pour éviter pareil scénario, la Caisse demandera une autorisation pour un usage de transport collectif pour les terres convoitées et non pas leur exclusion permanente de la zone agricole. Elle promet de ne pas faire la promotion d'un ensemble résidentiel autour de la gare terminale tout en minimisant les probabilités qu'un tel scénario se réalise.

À cet effet, l'institution cite une étude des consultants Lemay-DAA de 2015 qui soutient, sur la base des chiffres de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), que la population de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) est appelée à stagner d'ici 50 ans et que l'immigration pourrait aussi diminuer puisque la Chine et l'Inde se développent. Les immigrants potentiels pourraient être tentés de demeurer dans leur pays en plein essor économique.

« Considérant que la croissance de la population ralentit et pourrait même être nulle dans un futur rapproché, que la construction résidentielle s'avérera de moins en moins nécessaire [...] un développement en périphérie de la station terminale n'est pas une certitude », écrit Lemay-DAA.

Des projections hasardeuses, dit l'ISQ

Appelée à commenter, la démographe Chantal Girard de l'ISQ souligne qu'il est hasardeux de s'appuyer sur des projections démographiques de 50 ans. « Contrairement aux projections du Québec, l'ISQ ne va pas au-delà de 25 ans à l'échelle des régions, compte tenu de la migration interrégionale qui peut bouger rapidement. Plus on s'éloigne du point de départ, plus la projection est incertaine », indique-t-elle.

En 2056, la population devrait se chiffrer à 9,2 millions selon le scénario de référence de l'Institut. Elle s'établit actuellement à 8,3 millions.

Le MAPAQ a demandé une copie de l'étude de Lemay-DAA. La Caisse refuse de la rendre publique.