Le superpôle logistique que le gouvernement veut implanter à Vaudreuil-Soulanges risque de tuer le port de Montréal et d'avantager le chemin de fer américain CSX au détriment du Canadien National (CN).

Très inquiet, le président et chef de la direction du CN, Claude Mongeau, a écrit au premier ministre Philippe Couillard pour le mettre en garde contre les dangers du projet, qui comporte une part importante de fonds publics. Les deux hommes ont convenu de se rencontrer dans les prochains jours pour discuter de ce dossier chaud.

Une extension du port de New York

Le projet pôle logistique à Vaudreuil-Soulanges est au coeur de la stratégie maritime du gouvernement Couillard, dont les détails doivent être annoncés dans les prochaines semaines.

Dans sa lettre au premier ministre, M. Mongeau fait valoir que le pôle de Vaudreuil-Soulanges, en plus de favoriser son concurrent américain CSX, permettra aux transporteurs maritimes d'éviter de se rendre jusqu'au port de Montréal pour acheminer leur cargaison vers le marché américain.

«Le terminal de CSX à Valleyfield va devenir une extension déguisée du port de New York, explique François Hébert, vice-président au développement corporatif du Canadien National. Il va détourner vers New York des bateaux qui autrement se rendraient jusqu'à Montréal».

CSX a inauguré hier son terminal de Salaberry-de-Valleyfield, construit au coût de 110 millions de dollars. Le CN, mais aussi le port de Montréal et la chambre de commerce du Montréal métropolitain craignent que les transporteurs maritimes abandonnent le port montréalais pour un trajet plus simple vers le port de New York, connecté au réseau de CSX.

Le réseau de CSX ne se rend pas jusqu'à Montréal. C'est le CN qui dessert le port de Montréal, et la concurrence accrue de CSX risque de faire mal à l'entreprise, reconnaît son porte-parole.

«Nous ne sommes pas contre la concurrence, mais nous sommes contre la concurrence subventionnée», dit François Hébert.

Quelques centaines de millions en fonds publics

Le gouvernement du Québec a contribué à hauteur de 12,6 millions au financement du terminal de CSX à Valleyfield, ce que le CN n'a pas apprécié. Mais c'est l'investissement important que s'apprête à faire le gouvernement dans le développement du pôle logistique de Vaudreuil-Soulanges qui dérange le plus l'entreprise. On parle de quelques centaines de millions en fonds publics qui renforceront la position de CSX et qui risquent d'affaiblir le port de Montréal et le CN.

«Le gouvernement ne devrait pas subventionner un transporteur de chemin de fer au détriment d'un autre», affirme M. Hébert.

L'administration du port de Montréal, de son côté, a déjà souligné que son expansion est prévue du côté de Contrecoeur, et qu'il n'était pas question de se déplacer du côté de Vaudreuil-Soulanges.

Le gouvernement du Québec, pour sa part, tient à Vaudreuil-Soulanges afin de concurrencer Cornwall, qui veut développer sa capacité de transport vers l'est des États-Unis. Mais cette stratégie pourrait faire plus de mal que de bien au port de Montréal, croient un nombre de plus en plus important d'intervenants.

La communauté d'affaires

Il n'y a pas que le CN qui a raison de s'inquiéter, affirme le président de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc. «CSX est un réseau qui dessert les ports de l'est des États-Unis, explique-t-il. Il approvisionne une grappe logistique qui n'est pas celle de Montréal et il va chercher à la renforcer. Il y a un énorme inconfort dans la communauté d'affaires sur l'impact économique que ça peut avoir sur le port de Montréal.»

Québec déjà laissé entendre que d'autres pôles logistiques pourraient être créés, en plus de celui de Vaudreuil-Soulanges, dont un à Contrecoeur.

Un pôle multisites serait une bonne solution, selon le CN, qui craint toutefois que les autres sites soient développés beaucoup plus tard que celui de Vaudreuil-Soulanges. «Si c'est dans cinq ou dix ans, il sera trop tard pour le Port de Montréal», dit François Hébert.