En 2006, Bombardier Aéronautique a déménagé une partie de sa production à Querétaro, petite ville coloniale au nord de Mexico, pour bénéficier de coûts de production moins élevés. Cette initiative laissait craindre un douloureux exode des emplois du secteur de l'aéronautique. Cinq ans plus tard, l'industrie aéronautique est en plein essor au Mexique: une véritable grappe est en voie de se créer autour de Bombardier à Querétaro. Voici la suite de notre dossier publié samedi.

Quelqu'un devra bien briser la glace. Mais pour l'instant, aucun fournisseur québécois n'a encore suivi Bombardier en terre mexicaine.

«Il y a eu une récession, rappelle le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé. Au début de 2009, la planète a presque arrêté de tourner. Maintenant, les perspectives sont meilleures.»

Comme quelques autres fournisseurs québécois, Héroux-Devtek, fabricant de trains d'atterrissage et d'autres composants, songe sérieusement à s'installer au Mexique pour se rapprocher de ses clients et pour bénéficier de coûts plus bas.

«Mais nous ne voulons pas faire cela aux dépens de nos usines canadiennes ou américaines, souligne M. Labbé. Nous avons un modèle de croissance. Nous pensons que nous pouvons gagner plus de boulot avec une usine là-bas, et nourrir nos usines canadiennes et américaines.»

Mais avant de faire le grand saut, Héroux-Devtek veut s'assurer d'avoir plus d'un client sur place.

«On parle de plusieurs millions de dollars d'investissement, indique M. Labbé. Nous voulons nous assurer d'avoir du travail pour cette usine-là.»

Le président-directeur général de l'Association québécoise de l'aérospatiale (AQA), Jacques Saada, rappelle que le risque est énorme pour les PME.

«Si ça ne marche pas, c'est toute l'entreprise qui peut se casser la figure», note-t-il.

Le président de Safran Mexico, Stéphane Lauret, reconnaît qu'il est onéreux pour une PME de s'installer dans un autre pays, mais les grands donneurs d'ordre ne peuvent pas se permettre de donner des garanties blindées aux petites sociétés.

«Les PME voudraient arriver avec un contrat signé pour cinq ans, mais ce n'est pas possible, indique-t-il à La Presse Affaires dans son bureau de Mexico. Mais il y a une croissance au Mexique. Pour leur avenir, il serait intéressant qu'elles soient ici.»

Guillermo Alonso Jr., président d'Alta Précision, PME montréalaise qui fabrique des composants complexes, est bien conscient de cette réalité.

«Si nous voulons rester en lien avec nos clients, il faut s'installer», déclare-t-il.

Les attraits du Mexique

Il énumère les attraits du Mexique par rapport à d'autres pays à bas coûts comme l'Inde et la Chine: la proximité géographique, le haut niveau de bilinguisme, une culture qui n'est pas trop étrangère. Mais il y a des défis importants.

«La chaîne d'approvisionnement n'est pas sur place, explique-t-il. Les matériaux de base, il faut les importer. Le traitement de surface n'est pas encore là. Quand on fait la synthèse des coûts de procédé, ça peut être élevé.»

La création d'une grappe aéronautique à Querétaro constitue justement un des principaux objectifs du gouvernement.

Le secrétaire du développement durable de l'État de Querétaro, Tonatiuh Salinas, cherche notamment à favoriser les alliances entre les PME mexicaines et étrangères pour permettre aux entreprises locales de prendre pied dans le secteur aéronautique et aux entreprises étrangères de réduire leurs risques en bénéficiant d'installations et d'équipements sur place.

À ses yeux, la mise en place d'une base solide de fournisseurs est plus importante à ce moment-ci que la venue de grands donneurs d'ordre comme Airbus ou Boeing.

«Bien sûr, ça ferait une bonne nouvelle à annoncer, mais la venue d'une grande multinationale nécessiterait des milliers de travailleurs, remarque M.Salinas. La formation de ces personnes ne se ferait pas du jour au lendemain, ç'aurait un impact majeur sur le marché du travail ici. Or, il faut être responsable à l'égard des entreprises déjà installées.»

«Pour les trois prochaines années, je préférerais attirer de 15 à 20 entreprises de taille moyenne. Après cela, nous pourrons regarder du côté des grands donneurs d'ordre.»