L'heure est grave. Sur le grand tableau projeté sur un mur du Centre de réponse à la clientèle de Bombardier Avions d'affaires à Montréal, un voyant rouge brille obstinément à côté du numéro d'immatriculation d'un Global Express. Depuis plus de 24 heures, l'appareil est immobilisé au sol au Connecticut en raison d'une panne. Or, le propriétaire doit s'envoler dans deux jours pour une tournée commerciale cruciale en Asie.

Le problème est délicat: il faut remplacer une pièce qui n'est plus manufacturée. Chez Bombardier [[|ticker sym='T,BBD.B'|]], des équipes travaillent sur deux différentes pistes de solution.

Comme les autres manufacturiers d'avions d'affaires, Bombardier prend le service à la clientèle très au sérieux. C'est un facteur qui peut aider une entreprise à vendre des appareils additionnels, mais qui peut aussi aliéner un client à jamais.

Bombardier a une raison supplémentaire pour s'attaquer à cette question: dans les palmarès sur le service à la clientèle que publient chaque année deux magazines spécialisés, Aviation International News (AIN) et Professional Pilot, le manufacturier canadien fait piètre figure. Bombardier s'est notamment retrouvé au dernier rang du palmarès établi en 2010 par Professional Pilot à partir d'un sondage envoyé à des milliers de pilotes et de responsables de flottes corporatives, derrière Cessna, Gulfstream, Hawker Beechraft et Dassault.

Le président de la division des services à la clientèle de Bombardier Aéronautique, James Hoblyn, note que l'entreprise occupait la première position de ce palmarès en 1999. Mais elle a amorcé une longue descente aux enfers au début des années 2000, alors qu'une crise sans précédent frappait toute l'industrie aéronautique.

«Nous avons perdu la balle des yeux, déplore M. Hoblyn. Nous nous sommes concentrés sur la situation financière de l'entreprise, nous avons accordé moins d'attention au service.»

Bombardier a cherché à redresser la situation dès 2004.

«Nous avons fait du progrès ces dernières années mais ça prend du temps, changer les perceptions», commente Gary Martin, vice-président des programmes de ventes, de marketing et de service chez Bombardier Aéronautique.

Bombardier a quand même progressé quelque peu dans le palmarès d'AIN de 2010, qui établi une distinction entre les différentes familles d'appareils des manufacturiers. La famille Learjet de Bombardier s'est ainsi hissée au 4e rang, mais la famille Challenger s'est retrouvée au 7e rang et la famille Global a fermé la marche au 10e rang.

M. Hoblyn explique que le Global Express, un appareil luxueux qui s'attaquait à un marché dominé jusque là par Gulfstream, a eu une entrée en service difficile à la fin des années 90 et au début des années 2000.

«C'était un excellent produit, mais il avait des problèmes de fiabilité, indique-t-il. Aujourd'hui, le Global est aussi fiable que la concurrence, mais les clients se rappellent des débuts.»

Professional Pilot et AIN devraient réaliser de nouveaux sondages en avril prochain pour préparer les palmarès 2011. Bombardier n'a donc que quelques mois pour commencer à modifier les perceptions.

«Nous posons les bons gestes, mais nous voulons aller plus vite, accélérer notre plan», lance M. Martin.

Bombardier a ainsi mis en place un programme pour remplacer 1000 pièces dans des appareils Global vieillissants et travaille déjà sur une deuxième mouture du programme. Le manufacturier a également entrepris d'augmenter de 12 % son inventaire de pièces à travers le monde, soit un investissement de 180 millions de dollars US. L'entreprise va aussi ouvrir de nouveaux bureaux de soutien régionaux, notamment au Brésil et à Hong Kong.

«Nous avons des avions dans 130 pays, note M. Hoblyn. C'est un énorme défi.»

Pendant la conversation, le voyant du Global Express du Connecticut passe du rouge au jaune.

«Ça signifie que nous avons une solution, il s'agit de la mettre en chemin, s'exclame Ray Godon. Je suis content, cela nous donnait du fil à retordre depuis hier.»

La solution? Un appareil de Flexjet, une filiale de Bombardier, décollera de Californie, passera à Dallas prendre une pièce tirée d'un autre Global Express et la transportera au Connecticut où elle sera installée sur l'appareil du client.

Les équipes de Bombardier n'ont cependant pas le temps de souffler trop longtemps. Un nouveau voyant rouge vient de s'allumer: un Challenger 300 est immobilisé à Munich en raison d'un problème avec son système de dégivrage. L'heure est grave.

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