L'affaire Goldman Sachs (GS) a pris une tournure politique, hier, dans la foulée d'une information voulant que démocrates et républicains soient divisés sur l'opportunité d'une poursuite pour fraude.

Selon l'agence Bloomberg, la décision de poursuivre a été entérinée par seulement trois des cinq membres du comité de la SecuritiesandExchange Commission (SEC). La présidente du conseil de la SEC, Mary Schapiro, se serait liguée avec les démocrates Luis Aguilar et Elisse Walter pour voter en faveur de la poursuite. Par contre, les commissaires républicains Kathleen Casey et Troy Paredes s'y sont opposés.

L'information serait tirée de deux sources, mais n'a pas été confirmée par la SEC, gendarme des marchés financiers américains. La nouvelle prend un sens particulier avec la réforme attendue de la réglementation des marchés promise par le gouvernement démocrate de Barack Obama.

Hier, l'indice du secteur financier du S&P était à la baisse jusqu'à 14h, mais est reparti à la hausse par la suite, dans le contexte de la nouvelle de Bloomberg. L'indice a terminé à 222,35, en hausse de 1,1%.

Bien qu'elles n'aient pas été prouvées en cour, les accusations contre Goldman Sachs sont graves et précises. En avril 2007, la firme de courtage a mis en marché des titres de dette adossés à des actifs (CDO) sachant que ces titres connaîtraient un destin tragique, soutient la SEC.

Ces titres, constitués de dettes hypothécaires à risque (subprimes), avaient été assemblés sous l'impulsion de la firme Paulson&Co., payé 15 millions par Goldman pour ses services. Selon la SEC, Paulson a précisément choisi des portefeuilles d'hypothèques médiocres, qui risquaient d'avoir des défauts de paiements.

Or, pendant que Goldman vendait les produits à ses clients, Paulson misait sur une forte baisse des titres sur les marchés, en achetant des CDS (assurances contre les défauts de paiement) avec le concours de Goldman. Les documents remis aux clients ne faisaient aucune mention de l'implication de Paulson, acteur central de l'affaire.

Selon un échange de courriels récupéré par la SEC, le responsable du dossier chez Goldman Sachs, Fabrice Tourre, s'attendait dès janvier 2007 à ce que le marché s'effondre. Un an plus tard, Paulson avait empoché 1 milliard US avec ces transactions pendant que les clients en perdaient autant.

«La SEC va être plus agressive que dans le passé. Il est immoral de vanter un produit à des clients sachant qu'un des concepteurs vend à découvert. Ça s'appelle une arnaque et je ne pense pas que Goldman Sachs s'en sortira», dit Denis Durand, de Jarislowsky Fraser.

Le gestionnaire croit que d'autres institutions bancaires américaines ont pu agir de façon similaire à ce qui est reproché à Goldman Sachs.

Stephen Gauthier, de la firme Demers valeurs mobilières, rappelle que l'ancien argentier du gouvernement Bush, Henry Paulson (aucun lien avec la firme Paulson), était PDG de Goldman Sachs.

«Goldman Sachs a toujours été à l'abri des critiques. La poursuite reflète le changement d'attitude des autorités face à ce genre de comportement. Je pense que les institutions financières pourraient s'en ressentir si les lois changent», dit M. Gauthier.

Le politique s'est aussi emparé de l'affaire outre-Atlantique. Le premier ministre du Royaume-Uni, Gordon Brown, a demandé que la FSA, gendarme financier des marchés anglais, institue également une enquête. Gordon Brown est en campagne pour l'élection du 6 novembre.

En Allemagne, le gouvernement a indiqué qu'il examinait la possibilité de demander une compensation à Goldman Sachs. La défunte institution allemande IKG, de même que la Royal Bank of Scotland auraient été des victimes directes des manoeuvres de Goldman Sachs, y perdant 991 millions US, selon la SEC.

Dans ce contexte, les gestionnaires demeurent prudents concernant le secteur financier. «Ça peut freiner la progression de certains titres», dit Denis Durand.

«Nous étions déjà prudents, nous le serons encore plus», dit Stephen Gauthier.

Par contre, l'impact sur les institutions canadiennes devrait être limité, sachant qu'elles n'ont que marginalement participé à la conception de tels produits. Les banques américaines avec une filiale de courtage, de même que les institutions similaires en Europe, pourraient être frappées davantage.

Jean-René Adams, de Hexavest, a un avis semblable. «Les banques d'investissement pourraient être touchées, mais pas les banques régionales, qui ont des activités bancaires traditionnelles sans courtage», dit-il.