Les rumeurs veulent qu'Earl Jones ait pris la route de la Grande-Bretagne ou des États-Unis, mais à tout événement, le financier ne veut rien dire aux investisseurs avant un mois. C'est du moins le message qu'a laissé Earl Bertram Jones sur son cellulaire avant de prendre la poudre d'escampette.

«Oui, vous avez rejoint Earl Jones. Si vous appelez concernant votre compte avec Earl Jones Consulting & Administration Corp., nous ne sommes pas en position de vous remettre vos fonds. Vous allez entendre parler de nous après 30 jours. Entre-temps, nous ne répondrons pas aux appels et aux courriers. Ce message a été enregistré le 10 juillet 2009 (NDLR: vendredi dernier)».

 

En plus du numéro de cellulaire, La Presse Affaires a obtenu les quatre autres numéros de téléphone les plus courants d'Earl Jones, soit ceux de son condo à Dorval, de son cottage à Mont-Tremblant, de son condo en Floride et de la résidence de sa fille, dans l'État américain du Massachusetts. Ces numéros ne comportent aucun message particulier et nos demandes d'entretien téléphonique sont restées lettre morte.

Trente jours, c'est environ le moment où la Corporation Earl Jones devrait être mise en faillite. Hier, la Cour supérieure a prolongé le mandat de Gilles Robillard, de RSM Richter, comme séquestre intérimaire jusqu'au 29 juillet. C'est à ce moment que le tribunal devrait mettre l'entreprise en faillite.

Une fois la faillite déclarée, Gilles Robillard deviendra syndic et aura alors pour mandat de récupérer le plus d'argent possible et de le redistribuer aux victimes. Pour l'instant, on a retrouvé peu d'avoirs de valeur.

Liste

D'ici là, le séquestre dressera une liste des personnes flouées et des autres créanciers de l'entreprise. Un rapport sera éventuellement produit. Les victimes sont avant tout des successions, c'est-à-dire des personnes qui ont fait gérer par Jones l'argent d'un héritage.

Quelque 96 successions sont identifiées, mais le séquestre ne sait pas si elles sont toutes encore actives. En plus des successions, entre 15 et 30 personnes avaient fait des prêts soi-disant à court terme aux successions sur la foi de M. Jones. Ces prêts ont été faits à 12% d'intérêt, parfois 18%.

Comme justification pour de tels prêts, Earl Jones évoquait les problèmes de liquidité à court terme des successions pendant la période de liquidation testamentaire. Les bénéficiaires des successions ignoraient qu'on leur avait fait de tels prêts.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a avancé le chiffre de 30 millions, voire 50 millions de fonds détournés, mais le séquestre est loin du compte. «Je serais surpris si on atteignait le chiffre de 30 millions», a dit Neil Stein, avocat du séquestre.

Chose certaine, les problèmes de fonds d'Earl Jones ne datent pas d'hier. Le financier versait les sommes périodiques d'impôts dues au fisc au nom de plusieurs investisseurs, ce qu'on appelle les acomptes provisionnels. Or, le fisc a indiqué à certains investisseurs qu'il n'avait reçu aucun acompte de toute l'année 2008, donc depuis plus d'un an.

Qui plus est, certains des prêts à court terme faits aux successions datent d'il y a cinq ans et étaient renouvelés année après année. Les intérêts étaient souvent cumulés, plutôt que versés. «À mon avis, il savait ce qu'il faisait», nous dit M. Stein, habitué de piloter ce genre de dossier.