Le secrétaire au Trésor américain Tim Geithner a enfin dévoilé hier les grandes lignes de trois volets d'un plan de relance du système financier susceptible de mobiliser jusqu'à 2000 milliards de dollars américains.

Il a cependant fourni peu de détails sur la mise en place de qu'il est convenu d'appeler le Plan de stabilité financière (PSF). Cela aura déçu les investisseurs en Bourse qui espéraient une solution immédiate.

 

Le PSF expose comment seront utilisés les quelque 350 milliards qui restent dans l'enveloppe du Troubled Asset Relief Program (TARP) adopté l'automne dernier et surnommé le plan Paulson, d'après le nom du prédécesseur républicain de M. Geithner.

«Les gestes que votre gouvernement a faits étaient absolument essentiels, mais ils n'étaient pas adéquats, a-t-il dit en faisant le bilan de l'utilisation du TARP par M. Paulson. Nous refaçonnons fondamentalement le programme pour réparer le système financier.»

Le premier volet du PSF prévoit l'établissement d'un bilan de santé des banques pour qu'elles soient en mesure de prêter même en temps de récession sévère. Celles qui échoueront le test devront se capitaliser davantage. L'État pourra prendre des participations au capital sous forme d'actions privilégiées payant des dividendes élevés de manière à les inciter à se refinancer rapidement auprès d'investisseurs privés.

Les participations de l'État dans les banques seront confiées à la Fiducie de stabilité financière créée à cette fin. Les institutions aidées seront aussi contraintes de dévoiler comment elles utilisent l'argent reçu pour augmenter leurs activités de prêts. Leur dividende sera limité à un cent par trimestre durant toute la durée de la participation de l'État à leur capital.

Actifs toxiques

Le deuxième volet entend s'attaquer aux fameux actifs toxiques qui plombent le bilan des banques et les incitent à ne pas prêter. Washington prévoit créer un fonds d'investissement public-privé qui les rachèterait jusqu'à concurrence de 500 milliards dans un premier temps. Ce partenariat public-privé pourrait aller jusqu'à 1000 milliards de rachat. Ce sont les acheteurs privés qui détermineraient la valeur de ces actifs pour lesquels il n'existe plus de marché.

«Notre objectif consiste à recourir à du capital privé et à des gestionnaires privés d'actifs pour contribuer au développement d'un mécanisme d'évaluation de ces actifs», a dit M. Geithner.

Il s'est montré avare de détails tant sur la hauteur de la participation l'État que sur la nature de cette participation: garantie, achats, rachat in extremis?

«On revient à s'attaquer au vrai problème du bilan des banques avec les actifs toxiques, résume Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. C'est le bon diagnostic, mais on n'a pas encore trouvé le dosage.»

«Il reste à voir si les investisseurs privés vont mordre à l'hameçon et acheter des actifs toxiques qui continuent de se dévaluer, surtout s'il n'y a pas de coussin gouvernemental pour parer des pertes démesurées», renchérit Sal Guatieri, économiste chez BMO marchés des capitaux.

Garantie

Le troisième volet porte de 20 à 100 milliards la garantie que le Trésor accordera à la Réserve fédérale pour qu'elle rachète jusqu'à non plus 200 mais 1000 milliards de titres adossés à des actifs de première qualité (AAA) détenus par les banques ou par d'autres institutions. La Fed pourra désormais racheter non seulement des titres adossés à des hypothèques résidentielles, mais aussi à des hypothèques commerciales, des comptes de cartes de crédit ou des prêts étudiants. Tout ça afin de relancer les activités de prêts.

«Accéder à l'aide publique est un privilège et non un droit, a martelé M. Geithner. Quand notre gouvernement fournit de l'aide aux banques, ce n'est pas pour leur bénéfice, c'est pour celui des familles et des entreprises qui dépendent des banques... et pour le bénéfice du pays. L'appui de l'État doit être assorti de fortes conditions pour protéger le contribuable.»

Washington met donc en place des règles de transparence auxquelles les institutions seront soumises et dont l'application pourra être suivie par les citoyens grâce à un site internet dédié.

M. Geithner s'est enfin engagé à dévoiler dans quelques semaines les détails d'un programme pour résoudre la crise de l'habitation. L'objectif est de mettre fin aux saisies de maison de la classe moyenne et de favoriser la renégociation de prêts hypothécaires abordables. Une enveloppe de 50 milliards sera consacrée à cette fin. Des mesures semblables, mais non chiffrées, seront aussi annoncées pour favoriser les prêts aux PME.

«Je veux être candide, a conclu M. Geithner. Cette stratégie va coûter de l'argent, elle comporte des risques et elle va exiger du temps.»

 

les principaux points

1) RENFORCER LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

a) renforcer la confiance, notamment en améliorant l'information du public fournie par les banques

b) renforcer les fonds propres des banques

c) gérer les participations de l'État, qui seront regroupées dans le Financial Stability Trust.

2) PURGER LES BILANS BANCAIRES DES ACTIFS A RISQUE

Mise en place d'un fonds d'investissement public-privé, pouvant mobiliser jusqu'à 1000 milliards US, pour acheter des actifs invendables des banques.

3) SOUTENIR LE CRÉDIT À LA CONSOMMATION ET AUX ENTREPRISES

La Réserve fédérale va acheter jusqu'à 1000 milliards US de titres obligataires adossés à des crédits à la consommation, à des crédits automobiles et à des crédits aux PME.

4) AMÉLIORER LA TRANSPARENCE

Le Plan implique des banques aidées une «plus grande transparence» et leur impose des conditions plus sévères.

5) EMPÊCHER LES SAISIES IMMOBILIÈRES

Le Trésor annoncera bientôt un plan pour réduire le nombre de saisies immobilières, passant notamment par la mobilisation de 50 milliards US pour renégocier les mensualités des emprunteurs.

6) AIDER LES PME

Dans les prochains jours, une initiative va être lancée pour relancer le crédit pour les PME.