Après avoir aidé le Groupe Capitales Médias et Le Devoir, le gouvernement Couillard est « ouvert » à l'idée d'évaluer les demandes d'aide financière de quotidiens écrits appartenant à des conglomérats, comme Le Journal de MontréalLa Presse ou la Montreal Gazette.

La situation financière des propriétaires de médias écrits aura toutefois clairement une « incidence » sur l'analyse économique, soit le premier des trois critères évalués par le gouvernement Couillard en matière d'aide aux médias écrits.

« Ça joue forcément sur l'évaluation, dit la ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, en entrevue avec La Presse. Parce qu'encore une fois, si un projet va se faire de toute façon, peu importe que le gouvernement soit là ou non, le gouvernement est moins enclin à intervenir. Il intervient là où on est capable de faire une différence. C'est clair que ça [la capacité financière de l'entreprise] a une incidence sur l'évaluation de projets. [...] C'est sûr que si l'entreprise est ultra-viable, qu'elle n'a aucun souci financier, le premier critère [économique] est plus ou moins satisfait. »

Actuellement, il n'y a aucune demande d'aide financière à l'étude de la part des autres quotidiens écrits du Québec. Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec sont la propriété de Québecor, La Presse est la propriété de Power Corporation et la Montreal Gazette est la propriété de Postmedia. Québec a un programme d'aide distinct pour les hebdomadaires régionaux.

Le gouvernement Couillard évalue l'aide financière aux médias sous forme de prêts selon trois critères. D'abord, l'aspect économique et les emplois en jeu. Ensuite, l'innovation. « Parle-t-on d'une véritable transformation ou de subvenir aux besoins d'une entreprise qui n'est pas vraiment en transformation, mais qui est en difficulté ? » demande Mme Anglade.

« Le volet innovation est super important. Il peut y avoir des entreprises qui amènent l'innovation à un niveau tel qu'on décide d'aller de l'avant parce que ça nous amène [ailleurs]. »

- Dominique Anglade, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation

Enfin, la diversité de l'information « dans toutes les régions du Québec » doit aussi être prise en compte, selon la ministre.

En décembre, le gouvernement du Québec a fait un prêt remboursable de 10 millions au Groupe Capitales Médias (propriétaire de six journaux régionaux dont Le Soleil à Québec et Le Droit à Gatineau-Ottawa), et un prêt remboursable de 500 000 $ au journal indépendant Le Devoir. Ces prêts ont été effectués par le truchement d'Investissement Québec.

CRITIQUES DE QUÉBECOR ET DE PIERRE KARL PÉLADEAU

Le prêt au Groupe Capitales Médias, dont le propriétaire est l'ex-ministre fédéral Martin Cauchon, a été très mal accueilli par Québecor. « Une telle aide, annoncée à l'aube d'une année électorale, soulève des questions importantes sur l'indépendance de la presse et les méthodes de soutien gouvernemental à un seul intervenant de la presse écrite alors que de nombreux autres groupes font face aux mêmes défis », a indiqué l'entreprise par voie de communiqué.

Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a depuis publié une dizaine de gazouillis sur Twitter remettant en cause cette décision.

Mme Anglade n'est pas d'accord avec ces critiques. 

« C'est évident que je ne pense pas qu'on puisse accuser ces médias-là de favoritisme. [...] On n'est pas propriétaire, on fait des prêts, on n'intervient pas dans les salles de nouvelles. »

- Dominique Anglade, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation

« On n'a pas investi dans une salle de nouvelles, on investit dans une entreprise qui, elle, s'occupe de gérer les journalistes, d'assurer une presse écrite dans différentes régions du Québec. [...] Il y a aussi l'éthique journalistique : je réfère au fait que les journalistes sont des professionnels et que l'intervention gouvernementale dans les entreprises pour lesquelles ils travaillent n'a pas d'influence sur ce qu'ils vont écrire », précise Mme Anglade.

Les prêts accordés au Groupe Capitales Médias et au Devoir sont des « prêts commerciaux comme on en voit régulièrement dans d'autres projets », précise la ministre de l'Économie. « On n'a pas dérogé aux règles », dit-elle. Les conditions des prêts n'ont pas été divulguées, mais Québec compte bien être remboursé. « Quand on fait des prêts, c'est dans l'optique d'avoir des remboursements », dit Mme Anglade, précisant avoir accordé « grosso modo » la somme demandée au départ par les deux entreprises après l'examen de leurs plans d'affaires.

PHOTO JEANNOT LÉVESQUE, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Dominique Anglade, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation, lors de l'annonce de l'aide de Québec au Groupe Capitales Médias