Les porte-parole du patronat appuient à l'unisson le grand patron de CGI, Serge Godin, qui se plaignait de l'iniquité fiscale des règles entourant le transfert d'entreprise familiale à la génération suivante. Mais un économiste réputé a une tout autre opinion.

« C'est indécent à quel point il est plus intéressant de vendre son entreprise à un étranger qu'à sa famille parce qu'on a peur que des entrepreneurs fassent des stratèges fiscaux avec leurs enfants », déplorent Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec.

Dans un texte paru dans La Presse+ vendredi, M. Godin soutenait que la fiscalité canadienne incite nos entrepreneurs à vendre leur entreprise au plus offrant plutôt que de la léguer à leurs enfants, une situation qui contribuera à la perte de sièges sociaux au cours des prochaines années, selon lui. Il estime qu'il faut changer les dispositions fiscales lors du legs à la famille d'actions d'entreprise en imposant seulement le gain à la vente des actions.

« On doit corriger le système fiscal pour qu'un transfert interfamilial ne génère pas une perte de contrôle d'entreprise ou de faire en sorte qu'il ne soit pas plus intéressant de vendre que de transférer», estime Michel Leblanc, président et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

« Les deux derniers budgets Leitao ont en partie corrigé la situation pour certains types d'entreprises, mais le problème demeure pour d'autres types d'entreprises », ajoute M. Leblanc.

Françoise Bertand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, fait valoir que des accommodements fiscaux existent en agriculture lors du transfert de la ferme familiale à la génération suivante.

Désaccord

Un économiste réputé d'une grande institution financière est en total désaccord avec l'idée que la succession ne paie pas les impôts sur le gain en capital. « Que se passe-t-il si la famille ne vend jamais les actions ? Elle les transmet de génération en génération et les paliers de gouvernement ne touchent jamais un sou d'impôt ? Tandis que les contribuables à plus bas revenus eux devront payer l'impôt immédiatement si leur parent leur lègue une résidence secondaire (comme un chalet) ? Donc les riches maintiennent leur capital de génération en génération et les petits contribuables, eux, ne peuvent pas », dit l'économiste, qui ne peut être nommé en raison de la politique de son institution.

Certains jugent que Serge Godin aurait pu se prendre une assurance-vie pour qu'à sa mort, les héritiers puissent en utiliser le fruit pour payer les impôts. D'autres jugent qu'une telle assurance aurait été beaucoup trop coûteuse, étant donnée l'importance du gain en capital et des impôts attendus.

Pour l'économiste réputé, qui a un doctorat, la solution est simple : à sa mort, les héritiers de Serge Godin devraient mettre les actions en garantie contre un prêt d'une institution financière. « Beaucoup d'investisseurs privés ou des banques acceptent de prêter de l'argent en se servant d'un collatéral de ce type. Les enfants de M. Godin empruntent l'argent, paient l'impôt et remboursent le prêt avec les dividendes et les salaires faramineux qu'ils se verseront sûrement comme gestionnaires de l'entreprise. Comme ça, le gouvernement obtient l'impôt et les petits contribuables ne se font pas berner par les riches qui ne désirent que garder leur patrimoine. »

Photo Alain Roberge, Archives La Presse

Dans un texte paru dans La Presse+, hier, le fondateur de Groupe CGI, Serge Godin, soutenait que la fiscalité canadienne incite nos entrepreneurs à vendre leur entreprise au plus offrant plutôt que la léguer à leurs enfants.

Photo Marco Campanozzi, Archives La Presse

Dans un texte paru dans La Presse+, hier, le fondateur de Groupe CGI, Serge Godin, soutenait que la fiscalité canadienne incite nos entrepreneurs à vendre leur entreprise au plus offrant plutôt que la léguer à leurs enfants.