Les retards de paiement dans l'industrie de la construction mettent en péril la survie de PME et font augmenter les coûts des travaux, conclut une étude qui sera rendue publique aujourd'hui.

Ces retards, passé le délai habituel de 30 jours, coûtent plus d'un milliard par année à l'économie québécoise, selon l'étude réalisée par le cabinet comptable Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) pour le compte de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction, composée de 20 associations de l'industrie.

Pour en arriver à ce chiffre impressionnant, l'auteur principal de l'étude, Nicolas Plante, a extrapolé à l'ensemble de l'industrie les données provenant d'un sondage internet exhaustif auquel ont répondu 736 entreprises de construction québécoises.

L'impact économique le plus important est le rendement potentiel perdu sur les paiements effectués après le délai de 30 jours. Selon RCGT, ceux-ci s'élèvent à pas moins de 7,2 milliards par année. En appliquant le taux de rendement moyen de l'industrie de la construction, qui s'établit à 9,8% d'après Statistique Canada, on en arrive à un manque à gagner de 709 millions.

On comptabilise également les intérêts que les entreprises doivent verser pour financer leurs activités en attendant les paiements retardés. RCGT les évalue à 137 millions par année. Puis il y a le temps perdu à recouvrer les sommes dues, chiffré à 132 millions. Enfin, certains entrepreneurs facturent leurs services plus cher afin de récupérer une partie des coûts engendrés par les retards de paiement. Le cabinet comptable estime à 25 millions les sommes que les donneurs d'ordres doivent débourser en trop chaque année pour cette raison.

Le sondage indique que les deux tiers des comptes clients des entrepreneurs en construction traînent depuis plus de 30 jours et que 20% sont en souffrance depuis plus de 120 jours. Dans l'industrie, le délai moyen de recouvrement dépassait les 69 jours en 2011, contre 58 jours en 2001, selon Statistique Canada.

Comme des mendiants

«Plusieurs entreprises sont à bout de souffle, leurs marges de crédit sont étirées au maximum. Les lundis matin, les entrepreneurs doivent multiplier les appels pour se faire payer. Dans certains cas, ils doivent attendre trois ans pour obtenir le dernier paiement d'un contrat. On a l'impression d'être des mendiants!», déplore Marc Bilodeau, président de l'Association de vitrerie et fenestration du Québec et porte-parole de la Coalition.

Le problème existe partout dans l'industrie, mais il est criant chez les donneurs d'ordres publics, révèle le sondage. Depuis la mise au jour de scandales de corruption et de collusion, les entrepreneurs reprochent aux fonctionnaires d'être indûment méfiants à leur endroit et d'effectuer trop de vérifications avant de les payer.

Selon le sondage, plus des deux tiers des entreprises de construction se sont abstenues au moins une fois, en 2013, de soumissionner pour un contrat en raison de la présence de «clauses contractuelles abusives quant aux délais de paiement», principalement dans le secteur public. Près de 60% des répondants ont affirmé avoir déjà inclus dans leurs prix une somme pour pallier le risque d'un retard de paiement. L'étude calcule que plus de 9% des appels d'offres seraient touchés par cette situation.

Pour remédier au problème, la Coalition réclame l'adoption d'une loi qui obligerait les clients à payer les entrepreneurs chaque mois. Si l'objectif était pleinement atteint, RCGT évalue à 448 millions les gains économiques pour l'industrie.

Or, une loi sur les paiements rapides n'est pas une panacée, si l'on se fie à l'expérience des pays européens qui en ont instauré une. Dans certains d'entre eux, les délais de paiement ont diminué, mais ils continuent de dépasser largement les 30 jours.

«Les sondages démontrent que dans de nombreux pays, les entreprises créancières demeurent, même après l'adoption de lois, fortement réticentes à se prévaloir de leur droit à réclamer des intérêts ou une compensation pour des frais de recouvrement qu'elles ont engagés à la suite de paiements tardifs, la principale raison étant qu'elles ne souhaitent pas entrer en conflit avec leurs clients», reconnaît d'ailleurs l'étude de RCGT.