«Douloureux mais nécessaire.» Ce titre d'un avis d'analyste publié hier à propos du géant montréalais de l'ingénierie SNC-Lavalin (T.SNC) résume l'accueil fait à son annonce d'une autre phase importante de réduction d'effectif et de réorganisation de ses activités à l'échelle mondiale.

Cet autre brassage considérable en trois ans à peine se traduira surtout par la suppression de 4000 emplois, ou 9% de son effectif total de 45 000 employés dans 50 pays, au cours des 18 prochains mois. Le quart de ces suppressions d'emplois - environ 1000 - est prévu au Canada.

Quant aux suppressions qui pourraient toucher les activités au Québec et ses 5000 employés, incluant le siège social à Montréal, la direction de SNC-Lavalin a refusé hier d'en préciser davantage pour le moment.

N'empêche, ces 4000 suppressions d'emplois dans toute l'entreprise, lorsqu'elles seront terminées au début de 2016, porteront à un peu plus de 8000 le nombre d'employés licenciés par SNC-Lavalin sur une période de trois ans.

Acquisition de Kentz

Cette fois-ci, cependant, il faut préciser que cette autre grosse ronde de suppressions d'emplois survient après l'acquisition en août dernier, au coût de 2,1 milliards, de la firme britannique d'ingénierie Kentz.

Cette acquisition avait ajouté presque 15 000 employés à l'effectif global de SNC-Lavalin, déclaré à hauteur de 29 700 employés en fin d'exercice 2013, selon ses documents corporatifs.

«Une ronde de suppressions d'emplois était prévisible après l'acquisition de Kentz, comme c'est souvent le cas lors de l'intégration subséquente de tels actifs par leur acquéreur», a commenté Denis Durand, directeur associé de la firme d'investissement Jarislowsky Fraser de Montréal, qui est l'un des principaux actionnaires de SNC-Lavalin.

«Ce qui m'interpelle davantage, au-delà des suppressions d'emplois, c'est l'affaiblissement marqué des objectifs de résultats et des perspectives d'affaires pour les prochains trimestres», a poursuivi M. Durand.

«Manifestement, SNC-Lavalin appréhende les répercussions de la baisse accentuée des prix des principaux métaux miniers et du pétrole depuis quelques semaines. Ces deux industries sont des marchés très importants pour SNC-Lavalin. Et si cette baisse des prix devait durer ou, pire, s'accentuer, un nombre croissant de projets miniers ou pétroliers pourraient être reportés ou même annulés.»

Dans son énoncé de résultats du troisième trimestre, hier, SNC-Lavalin évalue les coûts de cette autre phase de rationalisation de ses activités à 200 millions au cours des 18 prochains mois. Les économies récurrentes par la suite sont prévues à 100 millions par année.

Selon son président, Robert Card, SNC-Lavalin prend «des mesures décisives pour remanier sa plateforme et renforcer sa capacité à fournir d'excellents services aux clients, à créer de la valeur à long terme pour ses actionnaires et à susciter des occasions d'affaires stimulantes pour ses employés».

Résultats décevants

Dans l'immédiat, toutefois, la haute direction de SNC-Lavalin a jugé préférable de rabaisser de 20% son objectif de bénéfice par action pour son exercice 2014, qui se terminera en décembre.

Quant aux résultats du troisième trimestre, le bénéfice net a été de 69 millions comparativement à une perte de 72,5 millions à la période correspondante en 2013, ce qui est demeuré inférieur aux prévisions d'analystes.

Les revenus trimestriels ont augmenté de seulement 3%, à 2 milliards, comparativement à 1,9 milliard l'an dernier.

De l'avis de l'analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, les «résultats décevants de SNC-Lavalin au troisième trimestre reflètent les coûts de l'intégration de Kentz et de la réorganisation des activités face à l'affaiblissement des perspectives d'affaires».

Le carnet de commandes de SNC-Lavalin totalisait 12,5 milliards à la fin du trimestre, en hausse de 51% par rapport à la fin de l'exercice 2013, en décembre dernier. Mais la presque totalité de cette hausse - 4,4 milliards en valeur - découle de l'acquisition de Kentz en août dernier plutôt que de gains de contrats autonomes de SNC-Lavalin.

Au cours des dernières années, la réputation de SNC-Lavalin a été entachée par de nombreux scandales de corruption, dont celui du Centre universitaire de santé McGill. Certains de ses anciens hauts dirigeants ont également été arrêtés.

Depuis l'an dernier, aussi, SNC-Lavalin a été privée de soumissionner pendant 10 ans aux projets de la Banque mondiale en raison de plusieurs allégations de corruption.

Selon Robert Card, en poursuivant sa réorganisation, «SNC-Lavalin a pour objectif de devenir une entreprise mondiale d'ingénierie et de construction de premier ordre, dotée de compétences de pointe dans les marchés des ressources, de l'énergie et des infrastructures».

- Avec Bloomberg, AFP, La Presse Canadienne