L'un des doyens du génie-conseil québécois, Bernard Lamarre, se désole devant le spectacle quotidien de la commission Charbonneau.

«Dès qu'un nom est mentionné, il est tout de suite condamné, même s'il est un participant très éloigné. Je ne suis pas d'accord avec ce fonctionnement. Ce serait à la police de s'occuper de ces affaires», observe-t-il, en marge de la cérémonie qui le nommait Grand Officier de l'Ordre national du Québec.

Pour le fondateur de Lavalin - il s'est retiré de l'entreprise au moment de la fusion avec SNC au début des années 90 -, l'utilisation de prête-noms par des firmes professionnelles pour financer des partis politiques est une conséquence imprévue de la Loi sur le financement des partis politiques, adoptée par le gouvernement Lévesque en 1977.

«Un des responsables de ça, malgré lui, c'est M. [René] Lévesque quand il a décidé que les entreprises ne pouvaient pas contribuer [aux partis politiques], mais seulement les individus», observe l'ingénieur. Les entreprises «ont contribué indirectement. Et quand tu commences à faire des petits péchés et que ça fonctionne, tu augmentes au fur et à mesure».

«Je ne connais pas beaucoup d'individus qui ne sont pas en affaires et qui contribuent gros aux caisses électorales», ajoute-t-il, ironique.

Les problèmes actuels du génie-conseil au Québec, «je souhaite que ce soit une mauvaise passe. Cela va finir par passer, mais cela donne une mauvaise image du génie-conseil... Et maintenant, les avocats entrent dans le paquet», note-t-il. Des cabinets d'avocats sont mentionnés désormais à la commission Charbonneau.

Pour lui, les changements effectués dans la direction des firmes devraient convaincre Québec de leur permettre d'obtenir des contrats publics. «À SNC-Lavalin, ils ont choisi un nouveau président qui n'a pas été mêlé à tout ça. On ne devrait pas les bloquer», observe Bernard Lamarre.

Pour SNC, les projets québécois sont importants, «mais c'est seulement une fraction du chiffre d'affaires. C'est toujours dommageable, mais ce n'est pas terminal. D'autres sociétés, il se peut qu'il y en ait une ou deux qui ferment leurs portes», prédit-il.

Les déboires de SNC-Lavalin comme du secteur du génie-conseil en général viennent de «quelques pommes pourries dans les organisations, qui ont causé énormément de tort».