En ce début d'après-midi, des passagers très spéciaux prennent place à bord du vol 820 de First Air qui relie Iqaluit au petit village de Pond Inlet, au nord de la Terre de Baffin: minuscules, terriblement mignons, ce sont des jumeaux de quelques jours accompagnés de leurs parents, un très jeune couple d'Inuits. Après avoir donné naissance à l'hôpital d'Iqaluit, la capitale du Nunavut, la jeune maman retourne maintenant à la maison avec sa petite famille.

First Air joue un rôle primordial au Nunavut (qui couvre une grande partie de l'arctique canadien) et au Nunavik (le nord du Québec). Il s'agit du troisième plus important transporteur aérien au Canada, avec 33 destinations, près d'une vingtaine d'appareils et plus de 1000 employés à travers le pays. Cet important outil appartient aux Inuits du Nunavik, par le biais de la Société Makivik.

Cette société a été établie en 1975 pour administrer les fonds versés aux Inuits du Nord du Québec en vertu de la Convention de la Baie James et du Grand Nord québécois.

C'est en 1990 que Makivik a acheté First Air. La société possède un autre transporteur, Air Inuit, qui fait la navette entre les 14 communautés du Nunavik et qui compte environ 300 employés.

«Les profits de ces transporteurs constituent des revenus importants pour la société, affirme le vice-président au développement économique de Makivik, Michael Gordon, dans une entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Sans ces revenus, Makivik ne serait pas ce qu'elle est devenue.»

Les filiales de Makivik ne dévoilent pas leurs résultats, mais M. Gordon indique que si First Air est généralemement profitable, les dernières années ont été plus difficiles en raison du ralentissement économique mondial et le transporteur a dû entreprendre une restructuration.

«Nous sommes confiants pour l'avenir», soutient toutefois M. Gordon.

First Air doit faire face à la concurrence d'un autre transporteur nordique détenu par des intérêts autochtones, Canadian North, basé à Yellowknife. Air Inuit, qui est plus isolé des grandes tendances économiques mondiales et qui n'a pas de concurrents, s'est mieux tiré d'affaires au cours des dernières années.

Le vice-président soutient que même si un transporteur ne fait qu'atteindre le seuil de rentabilité, la communauté est quant même gagnante en raison des nombreux emplois auxquelles elle a accès.

«Makivik et ses filiales appartiennent aux Inuits, rappelle-t-il. Notre but, c'est de fournir des emplois aux Inuits.»

La co-entreprise de transport maritime NEAS (Nunavut Eastern Arctic Shipping) cherche également à augmenter le nombre d'employés Inuits, notamment à bord de ses quatre navires qui desservent les communautés du Nunavik et du Nunavut. À l'heure actuelle, environ 10% de ses 150 employés saisonniers sont Inuits.

«Nous travaillons fort pour arriver à ce résultat, affirme la présidente de NEAS, Suzanne Paquin. Nous avons des obligations économiques, mais nous avons aussi des obligations sociales.»

NEAS, créée par Makivik, la société québécoise de manutention Logistec et la société manitobaine North West Company (qui possède les magasins généraux Northern), expédie la moitié de tout le fret maritime à destination du Nunavuk, et ce, à partir de son terminal de Salaberry-de-Valleyfield.

NEAS dessert les magasins Northern, mais elle a également réussi à aller chercher d'autres clients qui s'approvisionnaient auparavant à Winnipeg ou Edmonton. Les projets miniers et le boom de construction qui a suivi la création du Nunavut ont également alimenté la croissance de NEAS.

M. Gordon note que ce ne sont pas toutes les filiales de Makivik qui sont profitables. Makivik possède notamment une compagnie de téléphonie cellulaire, une petite entreprise de confection de vêtements et une société de récolte d'algues.

«Il faut essayer, soutient M. Gordon. Si nous n'essayons pas, nous ne saurons jamais si ça peut fonctionner.»

À l'aéroport de Pond Inlet, la famille élargie accueille le jeune couple d'Inuits et leurs jumeaux. Une vieille dame pleure à chaudes larmes en admirant pour la première fois la frimousse de ses arrières petits enfants. Il n'y a pas un seul oeil sec dans le petit terminal.