La popularité constante du camping et l'attachement des campeurs saisonniers à leur terrain ont permis à un petit groupe d'investisseurs estriens d'importer au Québec une nouvelle formule de propriété. Déjà répandu aux États-Unis, le « condo-camping » fait ses premiers pas au Québec.

Il y a cinq ans, un campeur et producteur agricole des Cantons-de-l'Est a attiré l'attention du notaire Henri Gérin, de Coaticook, sur un terrain de camping à vendre sur le bord du lac Massawippi. Les deux hommes se sont associés pour reprendre l'affaire selon une nouvelle formule. Ils ont acheté le terrain et l'ont découpé en lots qu'ils ont revendus aux campeurs saisonniers du site. L'expérience a été un succès, et les partenaires sont en train de transformer leur huitième camping québécois.

« C'est une formule parfois plus rentable que d'exploiter le camping », explique Henri Gérin, en entrevue à La Presse Affaires. L'investisseur peut faire de l'argent sur la revente des terrains, mais aussi en finançant lui-même les campeurs pour l'achat ou la location à très long terme des lots, selon le cas.

Au moins un autre groupe, en Outaouais, aurait adopté cette formule pour l'achat de camping. D'autres groupes voudraient se lancer, selon ce qu'on entend dans le milieu. Mais cela passe par un capital initial très important. Le promoteur ne peut pas financer son acquisition avec le terrain même s'il veut le revendre en lots.

« Et cette formule n'est applicable que dans les campings de très haute qualité, avertit Henri Gérin. Ça passe par l'appartenance très élevée des campeurs à leur terrain de camping. » De tels campings sont très difficiles à dénicher.

En 2010, M. Gérin et ses partenaires ont trouvé le Camping Belle-Vue, situé sur les berges du Saint-Laurent, à Sainte-Croix-de-Lotbinière. Il y a là plusieurs sites directement face au fleuve, une descente de bateau, la possibilité de faire du kayak de mer et des terrains de tennis et de croquets de haute qualité. Bref, un terrain spécial avec des atouts que les campeurs ne peuvent pas trouver ailleurs. Si le terrain ne sortait pas de l'ordinaire, les campeurs n'adhéreraient pas au concept, croit M. Gérin. Ils iraient ailleurs.

M. Gérin et son groupe tentent d'offrir aux campeurs saisonniers le même prix annuel qu'ils payaient auparavant. À la différence qu'une fois qu'ils ont payé la totalité du prix du site (certains étendent les paiements sur 20 ans), il ne leur reste à payer que les frais de copropriété, comme dans un condo.

Une certaine réticence

Comme n'importe quel changement, la transformation d'un terrain conventionnel en camping-condo amène une certaine résistance.

Selon Conrad Breton, campeur et gestionnaire de Belle-Vue au nom de l'association des propriétaires, ce n'est pas une formule que les résidants souhaitent nécessairement. Au lieu qu'un propriétaire unique gère le terrain jour après jour, avec tous les petits problèmes que cela implique, cela revient en fait à une association de campeurs. Mais plusieurs n'ont pas envie d'avoir de telles responsabilités d'administration.

« À première vue, les campeurs sont réticents, concède Henri Gérin. La ligne est extrêmement mince entre l'acceptation et le refus. Il faut que le projet soit extrêmement bien ficelé, autant sur le plan légal que comptable. » Environ 260 des 290 campeurs de Belle-Vue ont accepté de sauter dans le train dans les 60 premiers jours, affirme M. Gérin.

Le modèle de condo-camping est basé sur l'occupation presque complète par les saisonniers. Dans les campings transformés par M. Gérin, il n'y a pas d'emplacements pour les voyageurs, sauf quelques-uns à Belle-Vue.

« Si le phénomène grandit, il va manquer de terrains pour les voyageurs, note Simon Tessier, directeur général de Camping Québec. C'est assez nouveau, ça nous a pris par surprise. Il faut regarder ça aller. »