Une industrie aux «produits vieillissants», empêtrée dans ses structures et victime d'une baisse des investissements privés et des visiteurs américains: le rapport du Comité performance de l'industrie touristique émet plusieurs critiques sévères à l'endroit de l'industrie du tourisme au Québec.

Le comité était piloté par Gilbert Rozon, président fondateur du Groupe Juste pour rire. Il était épaulé par 12 personnes, dont Alain April (président de l'Association québécoise de l'industrie touristique), Jacques Daoust (président d'Investissement Québec) et Joëlle Noreau (économiste principale de Desjardins).

Parmi leurs constats: une baisse de 30% des investissements privés entre 2007 et 2009, et de 29% de la clientèle américaine depuis 2004, notamment à cause de la montée du huard.

Le service à la clientèle serait déficient, et la main-d'oeuvre se raréfie. À ces problèmes s'ajoute le coût du transport aérien et des taxes, qui auraient un effet dissuasif. «Quand des gens de Montréal utilisent l'aéroport de Plattsburgh, c'est mauvais signe», lance M. Rozon.

La promotion de l'industrie manquerait aussi de cohésion à cause de l'éparpillement de ses structures. M. Rozon donne l'exemple de régions administratives qui se concurrencent et ne vantent que leurs propres attractions. «On ne travaille pas toujours ensemble», regrette-t-il.

Un constat que partage André Boisclair, président du conseil d'administration du Regroupement des événements majeurs internationaux. «Oui, il y a un ménage administratif à faire», dit-il. Il salue l'approche du comité, qui propose de promouvoir la province à partir de trois axes: 1) les portes d'entrée, Montréal, ville de festivals, et Québec, ville historique et romantique; 2) le fleuve Saint-Laurent, une «icône en devenir»; 3) les régions, dont la «nordicité» devrait être davantage exploitée.

Recommandations

Parmi leurs 10 recommandations, deux sont «urgentes»: établir d'ici à la fin de l'année un plan de financement pour ces trois axes. Les PME touristiques peinent à obtenir un financement du privé, qui les jugent risquées. L'autre urgence est de peaufiner les «produits» de ces trois catégories, par exemple, en utilisant les standards internationaux pour catégoriser les hébergements et en instaurant une navette aéroportuaire à Montréal. «Essayez de trouver votre chemin pour vous rendre de l'aéroport (Pierre-Elliott-Trudeau) au centre-ville de Montréal... Pour un touriste, c'est beaucoup trop compliqué!»

Le comité ne brosse pas un portrait entièrement noir de la situation. Selon M. Rozon, quelques succès devraient inspirer la province, comme Mont-Tremblant ou la ville de Québec. À Montréal, il y aurait «un gros boulot à faire» pour donner de l'unité à la rue Sainte-Catherine, valoriser le Vieux-Montréal ou le Quartier Latin et embellir l'autoroute Ville-Marie, cette «cicatrice».

Grâce à ces recommandations, le comité espère que le Québec deviendra une «destination incontournable» d'ici à 2020, «idéalement dans le top 10» au monde, précise M. Rozon.

L'industrie touristique représente 2,5% du PIB du Québec. L'année dernière, elle a rapporté des revenus de 10,4 milliards et fourni 134 600 emplois directs.

Le rapport avait été commandé par la ministre du Tourisme, Nicole Ménard. «Je ne suis pas surprise d'entendre ce que j'ai entendu», a-t-elle affirmé au sujet des critiques. Elle a vanté le rapport, qu'elle qualifie de «costaud» et même de «colossal». Elle promet de déposer le plan demandé par le comité. «La priorité des priorités, c'est le produit», a-t-elle assuré en reprenant le langage du rapport.