Les fonctionnaires provinciaux sont généralement moins bien rémunérés que les autres salariés québécois, selon l'étude annuelle de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération des salariés. Ce n'est toutefois pas une raison valable pour l'État de délier les cordons de sa bourse, dit un professeur d'économie.

Les écarts se sont accentués en 2010 par rapport à l'an dernier, mais sont restés passablement stables depuis 2007.

L'étude annuelle a pour objet de fournir une base de données aux syndicats et patrons dans leurs discussions sur les conditions salariales et les avantages sociaux.

Un choix libre

«Les travailleurs de la fonction publique ont choisi de travailler dans le secteur public pour toutes sortes de raisons, dont certaines ne sont pas prises en compte dans ce genre d'étude», dit Bruce Shearer, professeur d'économie à l'Université Laval, à qui nous avons demandé de commenter les résultats. Il donne en exemple la stabilité d'un emploi dans la fonction publique.

En 2010, seuls les travailleurs non syndiqués touchent une rémunération globale inférieure à celle des salariés de l'administration québécoise, indique l'ISQ.

«Il me paraît déplacé qu'un employé, après avoir choisi librement de travailler pour la fonction publique, se plaigne ensuite d'être mal payé», dit l'universitaire.

Les syndiqués de la fonction publique ont accepté récemment une entente de principe avec le gouvernement pour le renouvellement des conventions collectives. L'étude de l'ISQ apporte de l'eau à leur moulin.

«L'État devra tôt ou tard accepter de revoir avec les syndicats l'ensemble de sa structure salariale, afin de préserver sa capacité d'attirer et de retenir une main-d'oeuvre qualifiée en contexte de pénurie», écrivent les syndicats, dans un communiqué.

Retard salarial

En ce qui concerne les salaires, dit l'ISQ, les employés de l'administration québécoise accusent un retard de 10,4% par rapport à l'ensemble des autres salariés québécois travaillant dans les entreprises de 200 employés et plus.

Même quand on regarde la rémunération globale (le salaire plus les avantages sociaux incluant le régime de retraite), la fonction publique provinciale accuse toujours un retard par rapport au reste des salariés, mais elle est à parité avec le secteur privé.

Du côté patronal, on estime que l'étude passe sous silence l'importance pour un travailleur de bénéficier d'un régime de retraite à prestations déterminées comme l'État en propose à ses salariés, ce que fait de moins en moins le secteur privé.

L'importance du régime

«Le fait d'être couvert par un régime à prestations déterminées est devenu un bénéfice tangible exceptionnel», dit Françoise Bertrand, présidente et directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Ce genre de régime garantit à l'avance le paiement d'une rente de retraite au travailleur. Le risque associé à ce régime est assumé par l'employeur.

«Ce sont les fonctionnaires qui financent le régime de retraite, à hauteur de 8% sur leur salaire, rétorque Louis Roy, premier vice-président de la CSN. Le gouvernement ne capitalise pas sa part.»

Dans le contexte de faibles taux obligataires qui a cours depuis le début des années 2000, les coûts associés à ce type de régime ont explosé au point où plusieurs employeurs du secteur privé ont fermé leur régime à prestations déterminées pour offrir à la place un régime à cotisations déterminées, où le risque repose sur les épaules du travailleur.

Dans son étude, l'ISQ regarde les débours du régime de retraite pour un employeur durant l'année et non pas la valeur des bénéfices pour l'employé.

Les fonctionnaires municipaux, grands gagnants

Par ailleurs, l'étude confirme encore une fois cette année que les fonctionnaires municipaux, les fédéraux et les employés des sociétés d'État ont tous une rémunération globale supérieure à celle des fonctionnaires provinciaux.

Mince consolation, la semaine de travail est plus courte dans l'administration québécoise que dans la plupart des autres secteurs, à l'exception du monde municipal et universitaire.

Notons que l'étude ne tient pas compte d'un ajustement salarial de 0,5% qui devrait être versé rétroactivement au 1er avril 2010, puisque les conventions collectives ne sont pas encore signées.

FONCTION PUBLIQUE: UN ÉCART IMPORTANT

Comparaison de la rémunération entre les employés de l'administration québécoise et les autres secteurs du marché du travail

Salaires / Rémunération globale

Administration municipale - 16,3% / - 29,2%

Sociétés d'État -17,2% / - 27%

Administration fédérale -18,2% / - 18,3%

Université - 8% / - 10,2%

Privé syndiqué -13,4% / - 11,5%

Privé non syndiqué -3,2% / " 7,8%

Remarques : 1. Un nombre négatif signifie que l'administration accuse un retard. Un signe positif signifie que l'administration québécoise bénéficie de meilleures conditions.

2. Outre le salaire, la rémunération globale comprend les avantages sociaux, comme le régime de retraite et les assurances, et les heures de présence au travail (les heures régulières moins les vacances et les congés)