Pour la 25e saison, le coloré pourvoyeur Réal Massé accueille pêcheurs et chasseurs dans son «pays». Plusieurs fidèles y reviennent année après année, d'autres y reposent pour l'éternité. Retour sur l'histoire à succès d'un homme, de sa moustache et de sa passion.

Sur le chemin forestier qui mène à la pourvoirie, près de Saint-Zénon, dans Lanaudière, des panneaux à l'effigie de Réal Massé se succèdent. Le voilà ici dessiné en pêcheur, là en joueur de balle, plus loin en adepte du kickboxing.

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Et partout, bien sûr, la moustache, qui fait office de logo pour la pourvoirie.

En débarquant sur le bord du lac Clair, on le trouve.

Réal Massé est là, portant la cravate et sa traditionnelle chemise d'assistant de la faune. Il est toujours là, en fait. Si le marketing tourne autour de son nom, il fait aussi tourner chaque jour, sur le terrain, les activités de sa pourvoirie de 16 lacs et de 20 kilomètres carrés.

Et à 69 ans, encore en pleine forme, on chercherait en vain une retraite à l'horizon.

«Je suis toujours au boulot, raconte-t-il. La touche personnalisée est l'une des clés du succès de la pourvoirie. C'est moi qui distribue les lacs aux pêcheurs chaque matin, et je fais le tour chaque après-midi. C'est même moi qui opère la machinerie quand vient le temps d'effectuer les gros travaux. Je suis en amour avec mon métier.»

De 370$ à 3 millions

«Au pays de Réal Massé» accueille environ 7500 pêcheurs par année, pour un total de près de 28 000 jours-pêche. Il voit aussi passer entre 10 000 et 15 000 motoneigistes par hiver et offre parfois des activités de chasse.

L'une des plus petites pourvoiries du Québec quant à la superficie est aussi l'une des plus populaires.

Pourtant, tout cela est parti de rien. Promoteur de kickboxing (pensez au champion Jean-Yves Thériault) puis propriétaire de brasseries (l'une d'elles porte encore son nom à Boucherville), Réal Massé a tout laissé en 1986 pour mettre la main sur cette pourvoirie de Saint-Zénon. «Une petite pourvoirie bien simple, qui loge entre 15 et 30 personnes, c'était juste ça, mon rêve», dit-il.

Le cahier de réservations de sa nouvelle possession était vide. Mais sa renommée en tant que promoteur et restaurateur fait qu'on parle de lui et de sa nouvelle vie dans certains journaux. Les clients arrivent. Puis la demande a appelé la croissance. «Je suis passé d'un chiffre d'affaires de 370$ à plus de 3 millions», note-t-il fièrement.

Connu «comme un Guy Lafleur ou un Jean Béliveau», dit sans fausse modestie ce maniaque de sport, Réal Massé tire encore profit de sa renommée.

«La contrepartie, c'est que j'ai une image à entretenir. Le nom est important.» Et il est désormais prisonnier de sa moustache, une marque de commerce devenue légendaire.

Une clientèle qui évolue

Mais la pourvoirie n'allait pas pouvoir vivre que du nom de son propriétaire.

«Quand je suis arrivé, il n'y en n'avait pas de poisson», se rappelle Réal Massé. Aujourd'hui, il ensemence ses lacs avec près de 115 000 truites par année, d'une valeur d'un demi-million de dollars. M. Massé vient d'ailleurs d'acheter l'un des deux pisciculteurs qui le fournissaient (S. Elliott, à St-Alexis-des-Monts).

Si l'achalandage n'a jamais dérougi au fil des années, la clientèle a changé. Les pêcheurs à tête grise sont désormais en très forte majorité. Une clientèle à laquelle le pourvoyeur s'est adapté.

L'organisation de sa pourvoirie, illustrée par les voiturettes de golf mises à la disposition des pêcheurs pour se rendre aux lacs, permet aux plus âgés de continuer à pêcher. «La moyenne d'âge de mes clients est de 65 à 70 ans, dit M. Massé. 60% d'entre eux ne pêcheraient plus autrement.»

D'un autre côté, M. Massé déplore la diminution significative du nombre de familles et de jeunes enfants. «À un moment donné, il n'y aura plus de pêcheurs», déplore-t-il.

Mais il peut toujours compter sur l'attachement des clients à la pourvoirie. «La clientèle revient, se réjouit Réal Massé. Certains amis ne se voient qu'une fois par année, et c'est ici qu'ils se donnent rendez-vous!»

Dans la chapelle que M. Massé a construite sur le site il y a trois ans, six habitués ont même choisi la pourvoirie pour leur repos éternel. Leurs urnes sont déposées dans une croix vitrée, au bas de laquelle on trouve une moustache et l'inscription «Au paradis de Réal Massé». Un attachement qui dépasse le simple succès d'affaires.

 

628 POURVOIRIES

Le Québec compte 628 pourvoiries qui ont accueilli 420 500 clients en 2007, selon les données les plus récentes. Elles réussiront à maintenir une croissance de leur clientèle en poursuivant la diversification des activités offertes au-delà de la chasse et de la pêche, selon le PDG de la Fédération des pourvoiries du Québec, Marc Plourde.