Après avoir établi que le gouvernement du Québec dépense plus que celui de l'Ontario, le comité des sages formé pour conseiller le ministre des Finances affirme que cet argent pourrait être mieux dépensé.

Les secteurs de la santé et de l'éducation, surtout, souffrent d'une juxtaposition de structures qui coûtent cher et nuisent à leur efficacité, a illustré hier le coprésident du comité consultatif sur l'économie et les finances publiques, l'économiste Robert Gagné.

Selon lui, la plupart des pays industrialisés ont choisi entre un ministère fort et des structures régionales légères. Au Québec, on a les deux, des ministères de la Santé et de l'Éducation importants, et des structures régionales lourdes comme les agences de la santé, les CRSSS et les commissions scolaires, a-t-il expliqué.

«On a une ceinture et des bretelles, un imperméable et un manteau d'hiver par-dessus», a lancé Robert Gagné, au cours d'une rencontre avec les journalistes. Il était accompagné de deux autres membres du comité, Luc Godbout et Claude Montmarquette, tandis que le quatrième, Pierre Fortin, était absent.

Le comité, qui s'est fait accuser de noircir le portrait pour préparer le terrain à la réduction des dépenses prévue par le gouvernement, soutient maintenant qu'il est possible d'améliorer la situation financière du Québec sans réduire les services publics.

Les quatre spécialistes proposent des moyens de mieux dépenser, parmi lesquels se trouve l'informatisation des cabinets de médecins. Seulement 2% des médecins de famille québécois ont des dossiers de patients complètement informatisés, a relevé Luc Godbout. La proportion est de 13% en Ontario et de 33% en Alberta.

Serrer la vis

Une autre façon d'en avoir plus pour son argent, selon le comité, serait d'améliorer la productivité des sociétés à vocation commerciales comme Hydro-Québec, la Société des alcools et Loto-Québec.

Même si elles font beaucoup de profits, ces entreprises pourraient être plus efficaces et contribuer davantage au trésor public, estiment les quatre économistes.

Ainsi, année après année, Hydro-Québec dépose devant la Régie de l'énergie des comparaisons avec d'autres entreprises d'électricité qui démontrent qu'elle est moins performante, a rappelé Robert Gagné. «Malgré les mythes entretenus, Hydro-Québec n'est pas une entreprise aussi performante qu'elle pourrait l'être. Il y a quelqu'un quelque part qui devrait répondre de ça», a-t-il dit.

Dans le cas de la SAQ et de Loto-Québec, «on ne dispose pas encore de mesure rigoureuse et complète de l'efficacité de ces organismes par rapport à des organismes publics ou privés exerçant les mêmes activités dans des juridictions voisines», déplore le comité.

Avant de couper ou de réduire des services, il faut pouvoir les évaluer et les économistes estiment que cet exercice doit être dépolitisé.

Toutes les tentatives précédentes de réduire le panier de services publics ont échoué, surtout en raison de considérations politiques, avancent-ils, en rappelant le rapport Gobeil en 1986 et la tentative de réingénierie de l'État de Monique Jérôme-Forget entre 2004 et 2007.

Mieux taxer

Les conseillers du ministre Raymond Bachand suggèrent eux aussi d'avoir recours à la tarification plutôt qu'à des hausses d'impôt pour financer le coût croissant des services publics. «Tous les prélèvements fiscaux ont des effets négatifs sur l'économie, mais les tarifs sont parmi les moins dommageables», a expliqué Robert Gagné.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement est toujours allé chercher ses revenus par l'impôt des particuliers (38% des ses revenus totaux), plutôt que dans les taxes à la consommation (26,4%) ou la tarification (12,4%).

Les pays qui ont un niveau aussi élevé de dépenses publiques que le Québec, comme les pays européens, utilisent beaucoup plus les taxes à la consommation. «On peut parler du paradoxe québécois, où on taxe à l'américaine et on dépense à l'européenne», résume Robert Gagné.

Selon le comité, il est important de mieux doser les impôts et les taxes afin de nuire le moins possible à la croissance économique, donc de recourir davantage aux taxes à la consommation et la tarification. Tous les tarifs, sans exception, pourraient être relevés, a précisé le coprésident du comité.

Le comité des sages prépare une troisième intervention qui proposera des solutions concrètes et chiffrées au problème des finances publiques.