Candidat juré, levez-vous ! Pas moins de 500 personnes sont venues hier au palais de justice de Montréal, dans le cadre du processus de sélection des jurés qui siégeront au procès de l'ancien président de Norbourg, Vincent Lacroix, en Cour supérieure. Cinq autres accusés sont mis en cause dans ce scandale financier qui a fait 9200 victimes un peu partout au Québec, entre 2002 et 2005.

Principal protagoniste de ce procès, Lacroix semble déjà faire bande à part. À son arrivée, il s'est assis le plus loin possible de ses complices présumés. Une fois la séance commencée devant le juge Richard Wagner, il a mâché pesamment de la gomme jusqu'à ce qu'une gardienne le ramène à l'ordre. Il a pris des notes toute la journée.

En plus de Lacroix et de trois anciens employés de Norbourg - Serge Beugré, Jean Cholette et Félicien Souka -, on trouve au banc des accusés un vérificateur externe, Rémi Deschambeault, et Jean Renaud, un fonctionnaire qui agissait à titre de consultant chez Norbourg. Ensemble, ils font face à 200 accusations de fraude, de fabrication de faux, de complot et de recyclage de produits de la criminalité.

À l'ouverture de l'audience, hier, le juge a indiqué qu'il examinerait d'abord les demandes d'exemption exprimées des citoyens. Étant donné que la liste des candidats comprend quelque 1500 noms, l'exercice devra se poursuivre aujourd'hui et demain. Si tout se déroule comme prévu, les avocats devraient commencer lundi prochain à choisir les jurés.

Hier, 225 des 500 personnes convoquées ont demandé une dispense, et le juge Wagner en a accordé un peu plus de la moitié. Avant de rendre sa décision, il a entendu un par un les arguments, parfois drôles, mais plus souvent pathétiques, des citoyens. Pour la plupart, ils ont été écartés pour des raisons professionnelles, médicales ou familiales. D'autres avaient un casier judiciaire ou se disaient incapables de faire preuve d'impartialité, soit qu'ils travaillent dans le domaine financier, soit qu'ils ont trop entendu parler de la cause ou qu'ils connaissent quelqu'un qui a perdu de l'argent dans cette gigantesque histoire de fraude qui a secoué tout le Québec.

« C'était un de mes rêves d'être juré, mais mon père a été floué dans l'affaire Norbourg «, a souligné la vice-présidente d'une entreprise de télécommunications. « Mon beau-père a été victime de Norbourg, et ça hypothèque l'héritage de ma femme «, a noté un concierge. Même attitude de la part d'une salariée dont un ami a laissé 2 millions dans l'affaire. « Il me serait difficile de rester impartial, il a tellement fait mal à la profession «, a invoqué un jeune conseiller financier, qui en est à ses débuts dans le métier. Ce dernier a quand même été retenu par le juge.

Ces quelques commentaires laissent déjà présager des difficultés auxquelles devront faire face les avocats qui ont à choisir les 12 jurés. D'autant plus qu'il s'agit d'un dossier fort complexe et d'une ampleur inégalée. Le procès devrait durer au moins quatre mois. Exceptionnellement, le palais de justice est resté ouvert jusqu'en soirée, hier, le temps que le juge Wagner entende les derniers candidats de la journée désireux de ne pas faire partie du jury.