Lancé dans une transformation digitale en profondeur, El Pais fera un jour payer ses contenus sur internet, a déclaré à l'AFP sa nouvelle directrice Soledad Gallego-Diaz, première femme à diriger le grand quotidien espagnol.

Q: L'édition papier sera-t-elle amenée à disparaître un jour ?

R: «Il est difficile de le savoir, mais ce qui est évident, c'est que le papier a subi un grand déclin dans le monde entier. Je ne pense pas que cela veut dire qu'il va disparaître. Peut-être que oui, peut-être que non. Peut-être qu'il subsistera, mais plus avec les tirages des années passées. La transformation digitale est impérative, ce n'est pas une question de volonté, mais de nécessité. Nous devons être capables d'incorporer toujours plus de modes d'expression proches des jeunes lecteurs avec de la vidéo, de l'audio, du podcast pour qu'ils reçoivent les informations d'une manière facile pour eux. Mais toujours en respectant nos règles. Nous n'allons pas faire sur internet quelque chose qui ne serait pas El Pais, nous ne renoncerons jamais à faire notre journalisme. Les journaux amènent une vision de la réalité avec des données, des gens capables de hiérarchiser l'information. Les jeunes s'informent énormément sur internet et croient être bien informés car ils reçoivent continuellement des informations. Mais disposer de beaucoup d'informations ne veut pas dire être bien informé. Pour cela, il faut que les informations arrivent avec du contexte, qu'elles aient passé des contrôles pour vérifier leur véracité, qu'elles soient vraies.»

Q: Mais comment trouver l'équilibre économique avec la numérisation ?

«Il est vrai que la publicité sur internet n'est pas capable d'atteindre le chiffre d'affaires de la presse papier dans les années 1980. Or, le journalisme de qualité est un journalisme cher. Je pense qu'à l'avenir, d'une façon ou d'une autre, les lecteurs sur internet devront payer à un moment donné, devront se dire que cela ne peut pas être totalement gratuit. Mais pour le moment le journal n'a pas l'intention immédiate de faire payer les contenus. C'est seulement un projet. Il y a différents systèmes : il y a des journaux qui rendent leur contenu payant, d'autres qui ont des abonnés pour un produit qui au final est accessible. Nous réfléchirons à ce qui est le mieux pour nous.»

Q: Que répondez-vous aux critiques sur un changement de ligne éditoriale d'El Pais, accusé d'être moins à gauche ?

«Nous ne sommes pas un journal de gauche, ni de droite, ni du centre, mais un journal qui a toujours eu une vision progressiste. Il est vrai que ces dernières années, alors que nous étions absorbés par la transformation digitale, certains lecteurs ont pu se sentir plus éloignés de la ligne éditoriale. Mais nous voulons être liés aux gens progressistes de ce pays, nous avons une vision progressiste et la défendrons».

- Propos recueillis par Mathieu GORSE et Benjamin BOULY-RAMES