La Banque du Japon a décidé jeudi de maintenir en l'état sa politique monétaire, une décision certes sans surprise mais assortie de commentaires semblant ignorer la rechute en récession de la troisième puissance économique mondiale.

À l'issue d'une réunion de deux jours, le comité de politique monétaire a reconduit, par huit voix contre une, le programme de rachat d'actifs de 80 000 milliards de yens par an (quelque 862 milliards de dollars CAD).

Les 41 économistes sondés par l'agence Bloomberg avaient anticipé un tel statu quo. Parmi eux, 21 prédisent une expansion d'ici au mois d'avril et un autre en novembre 2016, tandis que 19 pensent que la banque centrale en a fini et n'assouplira plus une politique qui a atteint ses limites.

Il y a un mois à peine, les spéculations étaient grandes sur un geste de la Banque du Japon, mais le gouverneur Haruhiko Kuroda avait rapidement douché ces espoirs en affichant sa confiance. Et l'annonce lundi d'un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,2% au cours de la période de juillet à septembre (par rapport aux trois mois précédents), après une contraction similaire au deuxième trimestre, n'a visiblement pas ébranlé son indéfectible optimisme.

«Le communiqué de la banque centrale, quasiment inchangé, a tout simplement ignoré les chiffres du PIB», s'est étonné Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics.

M. Kuroda a ensuite évoqué ces statistiques en conférence de presse, mais c'était pour mieux les relativiser.

Si l'on en croit la Banque du Japon, «l'économie japonaise continue de se redresser modérément». La consommation des ménages se porte bien «sur fond d'embellie des conditions d'emploi et des revenus» et l'investissement des entreprises s'améliore, assure la Banque du Japon... alors qu'il a reculé au cours des deux derniers trimestres sur fond de prudence face à l'essoufflement chinois.

De même, les statistiques du commerce extérieur, publiées plus tôt jeudi, ont-elles été balayées. Le Japon a affiché en octobre un excédent commercial inattendu, le premier depuis mars, mais cette nouvelle a priori positive masque un recul en valeur des importations pour la première fois depuis août 2014, avec un nouveau déclin vers la Chine et l'Asie.

Salaires et Fed sous surveillance 

Quant aux importations, elles ont plongé de 13,4%. C'est en grande partie dû au déclin des cours du pétrole mais, note Harumi Taguchi, du cabinet IHS, c'est aussi le reflet d'une demande intérieure morose dans un archipel en récession pour la deuxième fois depuis l'arrivée au pouvoir fin 2012 de Shinzo Abe. Sa stratégie de relance «abenomics» a échoué pour l'heure à stimuler la troisième économie mondiale.

«La Banque du Japon ne s'appuie pas tant sur les données économiques récentes», expliquait avant la décision Hideo Kumano, analyste de l'institut de recherche Dai-ichi Life interrogé par Bloomberg, «elle accorde plus d'importance à la tendance des prix de long terme».

Or selon M. Kuroda, celle-ci est «sur une voie ascendante, et quand se dissipera l'effet de la chute des prix du brut», l'inflation - qui tourne actuellement autour de zéro - «évoluera vers l'objectif de 2%», visé au printemps 2017.

«Nous maintiendrons le dispositif d'assouplissement qualitatif et quantitatif actuel jusqu'à ce que cette cible soit atteinte», a promis le gouverneur, se disant prêt à «procéder à des ajustements si nécessaire» pour parvenir à ses fins.

Tout dépendra des négociations salariales du printemps qu'il suivra «avec grand intérêt», a-t-il dit. De concert avec le gouvernement, Haruhiko Kuroda n'a de cesse d'exhorter les firmes à augmenter les rémunérations de leurs salariés pour relancer la consommation, un mouvement qu'il trouve «un peu lent».

Entrera également en ligne de compte un éventuel resserrement monétaire de la Fed, susceptible de relever ses taux d'intérêt en décembre. En affaiblissant le yen, une telle action rendrait indirectement service à la Banque du Japon qui pourrait ainsi s'épargner à court terme un nouvel assouplissement et garder ainsi des cartes à jouer ultérieurement, estiment certains analystes.

Devant ces atermoiements, d'aucuns craignent toutefois que M. Kuroda, qui avait radicalement réformé la politique monétaire en avril 2013, créant un électrochoc psychologique salutaire, ne retombe dans les travers de ses prédécesseurs, jugés trop attentistes.