Les ministres des Finances de la zone euro ont transmis dimanche aux chefs d'État un document qui évoque noir sur blanc l'option d'une «sortie temporaire de la zone euro» de la Grèce, et veulent lui imposer des abandons de souveraineté en échange d'une éventuelle aide.

«En cas d'échec à trouver un accord, la Grèce se verrait proposer de négocier rapidement une sortie temporaire de la zone euro, avec la possibilité de restructurer sa dette», selon ce document obtenu par l'AFP.

Ce passage figure entre crochets pour signifier qu'il n'a pas emporté l'adhésion de tous les ministres et qu'il revient aux chefs d'État de trancher, mais c'est la première fois qu'une telle option est aussi clairement évoquée.

Ce document de quatre pages est le résultat des 15 heures de négociations pied à pied des ministres et des institutions européennes déchirées entre les partisans d'une ligne dure avec Athènes, et les colombes.

Illustration de ces désaccords: onze passages de ces quatre pages sont entre crochets.

L'Eurogroupe exige plusieurs mesures d'Athènes, dont des abandons de souveraineté puisque la Grèce devra soumettre aux institutions certains projets de loi avant de les passer au Parlement.

L'Eurogroupe s'est au moins accordé pour estimer qu'un troisième plan d'aide à la Grèce devrait peser entre 82 et 86 milliards d'euros et pour demander à la Commission, au FMI et à la BCE d'essayer d'alléger cette enveloppe en travaillant sur la fiscalité grecque ou les privatisations exigées d'Athènes.

En revanche, il n'y a pas eu de consensus sur l'épineuse question de la soutenabilité et d'une éventuelle restructuration de la dette grecque, le passage étant lui aussi entre crochets:

«Dans le contexte d'un éventuel programme (...), l'Eurogroupe se tient prêt à envisager de possibles mesures additionnelles pour adoucir le service de la dette grecque, si nécessaire» par un rééchelonnement. En revanche une réduction pure et simple de la dette est exclue.

Le document fait la liste les exigences imposées par l'Europe à la Grèce, et là encore, il n'y a pas eu de consensus sur tout.

L'Eurogroupe demande à Athènes de légiférer d'urgence sur certains dossiers chauds, d'ici mercredi, pour «reconstruire la confiance», entre les créanciers et Athènes.

Il s'agit notamment de légiférer sur la TVA, les retraites, la procédure civile, l'indépendance de l'Office grec des statistiques.

Ces nouvelles lois seront un préalable à la reprise des discussions pour un plan d'aide.

Dans le cadre de cette négociation à venir, «les propositions de réformes grecques doivent être considérablement renforcées pour tenir compte de la forte détérioration économique et budgétaire du pays», selon le document.

Il s'agit schématiquement de libéraliser l'économie, en modifiant par exemple les règles en vigueur dans le secteur énergétique, les retraites, le marché du travail, celles régissant le travail du dimanche, les périodes de soldes, sur les boulangeries ou le commerce du lait...

L'Eurogroupe a ajouté quatre exigences: plus de privatisations, réduire le coût de l'administration, faciliter le travail de surveillance des institutions internationales, et imposer un droit de regard des institutions sur les projets normatifs grecs.

«Le gouvernement doit consulter et obtenir l'accord des institutions sur tout projet de loi dans certains domaines importants (...) avant de le soumettre à une consultation publique ou au Parlement», selon le texte de l'Eurogroupe.  Enfin, Athènes doit revenir sur certaines des mesures adoptées depuis la victoire électorale de Syriza eu début de l'année 2015 (ce dernier point n'ayant pas fait l'objet d'un consensus de l'Eurogroupe).

Le plan de l'Eurogroupe «très mauvais» selon une source gouvernementale grecque

Le texte des ministres des Finances de la zone euro fixant les conditions d'une reprise du dialogue sur le renflouement de la Grèce est «très mauvais» mais Athènes en discute et souhaite lancer rapidement des négociations pour sauver ses banques, a indiqué dimanche une source gouvernementale grecque.

«Le texte dans son ensemble est très mauvais. Nous essayons de trouver des solutions», a expliqué cette source à Bruxelles à propos du document européen qui évoque l'option d'une «sortie temporaire» de la Grèce de l'euro et consacre des abandons de souveraineté de la part d'Athènes en échange d'une éventuelle aide.

Si un compromis est trouvé, la Grèce veut un feu vert à la reprise des négociations sur son renflouement sans attendre, étant donnée la «gravité» de la situation de ses banques, à court de liquidités, a-t-elle ajouté.

«Nous ne voulons pas de délai» à la reprise des négociations jusqu'à mercredi, comme le propose l'Eurogroupe, «car en attendant, il n'y a pas assez de liquidités de la BCE (injectées dans les banques grecques, ndlr) et la situation est grave (...). Jeudi serait trop tard», a insisté cette source.

Le président de la BCE, Mario Draghi «le dit lui même», a-t-elle avancé.

La zone euro veut pour sa part ajourner de 48 h son possible feu vert, exigeant d'ici mercredi que le parlement grec légifère sur une première série de réformes, notamment sur les retraites et le relèvement de taux de TVA.

Pour la Grèce, les autres principaux points de blocage portent sur le rôle du FMI, «que les Allemands veulent faire participer à un troisième plan de renflouement» contrairement à ce que veut Athènes, et la question de l'allègement de la dette grecque.

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, qui veut un «reprofilage» a eu un «vif désaccord» avec la chancelière Angela Merkel à ce sujet lors d'une rencontre à quatre, avec les présidents français François Hollande et du Conseil européen, Donald Tusk, selon cette source.

L'allié gouvernemental de M. Tsipras, le ministre de la Défense Panos Kammenos, l'a appelé à rejeter les propositions européennes: «Ils veulent nous écraser, cela suffit» a tweeté ce dirigeant de la droite souverainiste.