Le gouvernement du Québec a finalement lancé sa stratégie maritime la semaine dernière à Montréal. À cette occasion, le premier ministre Philippe Couillard s'est fait le capitaine de l'économie maritime, qu'il a décrite comme « un joyau caché ».

Comme le soulignait notre chroniqueur Jean-Philippe Décarie, ce trésor est pourtant bien connu depuis longtemps. Et, malheureusement, il est mal exploité. Or, cette analyse ne s'applique pas seulement au Québec, mais à toute la planète, disent des chercheurs.

De nouvelles études confirment en effet la valeur économique colossale des océans qui, malgré les passions et l'intérêt qu'ils suscitent, sont à la fois mal exploités et menacés.

24 000 milliards US

Pour la première fois, on a enfin une idée de la valeur économique des mers du monde.

Dans une étude parue le mois dernier, la firme Boston Consulting Group (BCG) a repéré tous les «actifs» marins et, avec le regard d'un comptable, elle leur a donné un prix. Un exercice périlleux, certes, mais le bilan final est imposant: l'actif marin vaudrait pas moins de 24 000 milliards US, selon BCG.

Ces actifs «hors norme» comprennent principalement la biomasse (poissons, coraux, algues, etc.) et les activités qu'elle supporte, dont la pêche, le transport et le tourisme.

Le poids économique des mers (en milliards US)



• Total: 24 000

• Tourisme: 7800

• Commerce maritime: 5200

• Faune et flore: 6900

• Impact écologique (captation de carbone): 4100



La septième économie mondiale


Pour sa part, le WWF (World Wildlife Fund) a poussé l'exercice plus loin en évaluant l'activité économique générée annuellement par les mers. Le «produit marin brut» s'établirait ainsi à 2500 milliards US.

Ce qui ferait de l'océan la septième économie au monde, soit plus que celle du Canada - avec son produit intérieur brut (PIB) de 1825 milliards US - et presque autant que celle de la France (2800 milliards US).

Les plus grandes économies - pays et océans (produit intérieur brut, en milliards US)



• États-Unis: 17 400

• Chine: 10 360

• Japon: 4600

• Allemagne: 3650

• Royaume-Uni: 2940

• France: 2830

• OCÉANS: 2500



Des profits et des milliers d'emplois


Les chercheurs reconnaissent que certaines ressources marines sont difficiles à évaluer. Une chose semble claire, cependant, près de 70% de ces richesses dépendent de la bonne santé des mers. Le problème, c'est que celle-ci se détériore de façon alarmante.

Or, la sauvegarde des océans est non seulement essentielle sur le plan écologique, mais elle est une bonne affaire sur le strict plan financier.

La protection des milieux marins, selon cette fois des chercheurs de l'Université libre d'Amsterdam, pourrait en effet générer jusqu'à 920 milliards US de bénéfices d'ici 2050 et créer 180 000 emplois.

Le tiers des océans à protéger

Pour arriver à tirer tout le potentiel économique des océans, il faut cependant une chose: les aires protégées doivent être étendues, disent les chercheurs. Soit à 10% de la surface des océans d'ici 2020 et à près du tiers (30%) d'ici à 2030, contre seulement 4% actuellement.

Ces aires protégées sont «connues pour attirer et soutenir le tourisme côtier», ce qui «encourage l'emploi et le commerce», affirme le WWF. Sans oublier que le seuil de 30% constitue un minimum pour reconstituer les milieux naturels et soutenir la pêche.

Le temps presse

L'objectif du rapport du WWF est d'inciter les gouvernements à agir. «Un PDG prudent n'attendrait pas le prochain rapport [annuel] pour corriger le tir [...] en cas de problème», soulignent les auteurs du rapport. Le même sentiment d'urgence devrait inciter les gouvernements à agir dans le cas des océans. Selon des études citées par le WWF, près de 40% de la faune marine a disparu de 1970 à 2010 et près de 30% de la flore a été détruite.