En pleine bataille avec l'UE et le FMI sur la dette de son pays, le premier ministre grec Alexis Tsipras a obtenu vendredi à Saint-Pétersbourg un accord de deux milliards d'euros sur la prolongation d'un gazoduc russe en Grèce, vu d'un mauvais oeil par Bruxelles.

Reçu par Vladimir Poutine pendant une heure et demie en marge du Forum économique international organisé par la Russie, le premier ministre grec a dit espérer que ce chantier, dont le financement sera avancé par Moscou, ouvre la voie à «de vastes possibilités de coopération».

«Nous savons dans quelle situation difficile vous et votre peuple vous trouvez», a observé le chef de l'État russe qui s'est félicité du renforcement, «à l'initiative grecque», de la coopération économique entre les deux pays.

En plein bras de fer, avec pour enjeu un possible défaut de paiement d'Athènes voire sa sortie de la zone euro, la rencontre a tout du camouflet pour les Européens, plus que jamais brouillés avec Moscou.

Le «Davos russe» s'est déroulé dans un contexte difficile de récession et d'isolement pour Moscou. Il a été bousculé en outre par le gel d'actifs du gouvernement russe en France et en Belgique, lié à l'affaire Ioukos, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov menaçant même de bloquer en représailles les avoirs dans son pays de sociétés dont ces États sont actionnaires.

Pas d'aide russe directe 

«Notre coopération active avec les nouveaux centres de la croissance mondiale ne signifie en aucun cas que nous allons accorder moins d'attention au dialogue avec nos partenaires traditionnels en Occident», a assuré Vladimir Poutine devant les hommes d'affaires, soulignant cependant qu'il fallait des conditions «équitables» et de «respect mutuel».

À ses côtés, Alexis Tsipras a appelé à la fin du «cercle vicieux de rhétorique agressive, de militarisation et de sanctions économiques» entre Russes et Occidentaux.

L'accord gazier, signé par son ministre de l'Énergie Panagiotis Lafazanis, prévoit de prolonger à partir de l'an prochain sur le territoire grec le gazoduc TurkStream entre la Russie et la Turquie, encore à l'état de projet.

Si le protocole d'entente est confirmé, les travaux doivent être réalisés par une société commune détenue à parts égales par la Russie et la Grèce, mais financée en totalité par un crédit de la banque de développement russe VEB, selon le ministre russe de l'Énergie Alexandre Novak.

Le rapprochement avec Athènes ne se limite pas au gaz. Selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cité par les agences russes, Alexis Tsipras et Vladimir Poutine ont discuté des moyens d'organiser l'importation en Russie de la production agricole grecque. En revanche, a-t-il assuré, il n'est toujours pas question d'aide financière directe.

Gazprom avance ses pions 

La deuxième visite en Russie de M. Tsipras en moins de trois mois constitue un double revers pour les Européens, qui voient Athènes se rapprocher de Moscou et la Russie trouver des alliés en vue de renforcer sa capacité de livraison de gaz sur le marché européen.

Jeudi déjà, la compagnie russe Gazprom avait annoncé un accord avec plusieurs géants européens du secteur énergétique ouvrant la voie à un doublement des capacités du gazoduc Nord Stream, qui rejoint l'Allemagne par la Baltique.

«Je suis certain que l'Europe a besoin de gaz russe», a déclaré le patron du groupe français Total, Patrick Pouyanné, critiquant les sanctions comme nombre de dirigeants de multinationales implantées en Russie.

Isolée comme jamais depuis la fin de la Guerre froide et ébranlée par la chute des cours du pétrole - sa principale source de revenus avec le gaz -la Russie vient de renouer avec la récession. Son produit intérieur brut devrait chuter d'environ 3% cette année, selon ses prévisions et celles des organisations internationales.

Le président russe a insisté sur la nécessité de faciliter le travail des entreprises russes, notamment de celles de taille modeste, pour qu'elles puissent s'imposer en Russie et gagner de nouveaux marchés. Il n'a donné aucune indication concernant de futures réformes ou une inflexion politique, malgré des appels lancés jeudi à l'ouverture du Forum.

«À la fin de l'année dernière, on nous prédisait une crise profonde. Cela ne s'est pas produit», a voulu rassurer Vladimir Poutine. «Nous sommes assurément en train de sortir d'une période difficile, principalement parce que l'économie russe a une marge de sécurité suffisante», a-t-il dit.

La Banque de Grèce rassurante sur la stabilité du système bancaire

(ATHÈNES) - Le gouverneur de la Banque de Grèce (BdG) a assuré vendredi de la stabilité du système bancaire grec lors d'une réunion avec Euclide Tsakalotos, le ministre coordinateur des discussions avec les créanciers de la Grèce, affirme une source gouvernementale dans un communiqué.

La distance à parcourir pour un accord «n'est pas grande», auraient aussi convenu les deux hommes, selon cette source

Au cours de cette réunion, le gouverneur de la BdG, Yannis Stournaras, «a confirmé que la stabilité du système bancaire est entièrement assurée par des actions conjointes de la Banque de Grèce et la Banque centrale européenne», a indiqué cette source.

Lors de cette réunion tenue «dans une très bonne ambiance», «il a été constaté des deux côtés que le gouvernement grec a fait de grands efforts pour trouver un terrain d'entente avec les partenaires et que la distance qui reste à parcourir n'est pas grande», poursuit ce communiqué, assurant que «cet effort sera poursuivi de façon intensive dans les prochains jours et naturellement lors du sommet» extraordinaire de lundi.

Ce communiqué était le deuxième de la matinée, manifestement rédigé pour rassurer les Grecs et les marchés.

Une rumeur non démentie fait état en effet d'une vive accélération des retraits bancaires ces derniers jours, en provenance notamment de petits épargnants inquiets de la possible imposition brutale d'un contrôle des capitaux en Grèce, si aucun accord n'était finalement trouvé entre Athènes et ses créanciers pour le déblocage de 7,2 milliards d'euros indispensables à la survie financière du pays.

Dans son rapport annuel publié mercredi, la Banque de Grèce avait averti du risque de sortie du pays de la zone euro, sur un ton très alarmiste et politique qui lui avait valu des critiques dans les rangs de la majorité: «l'incapacité à parvenir à un accord marquerait le début d'un chemin douloureux qui mènerait d'abord à un défaut de paiement de la Grèce puis, au bout du compte, à la sortie du pays de la zone euro et, très probablement, de l'Union européenne», écrivait la banque centrale, à destination des deux parties, Athènes et ses créanciers.

La BCE se réunit ce vendredi midi en urgence pour discuter d'un possible nouveau relèvement des financements d'urgence aux banques grecques (ELA).

La Bourse d'Athènes était stable (+0,04%) vers 5 h 40 (heure de l'Est).