L'Espagne a connu au premier trimestre sa plus forte croissance en six ans, à 0,4%, confirmant une reprise économique qui ne se traduit pas pour l'instant en termes d'emploi, le chômage restant proche de son record historique.

Le pays, qui a subi deux récessions en cinq ans, avait renoué avec la croissance au troisième trimestre 2013, avec +0,1%, et accélère depuis la cadence, avec une hausse de 0,2% au quatrième trimestre puis 0,4% entre janvier et mars, en rythme trimestriel.

En rythme annuel, le PIB a augmenté de 0,6%, repassant dans le vert pour la première fois depuis mi-2011, a indiqué l'Institut national de la statistique (Ine), qui a souligné une amélioration de la demande nationale, alors que la consommation des ménages et les investissements des entreprises repartent.

Cette bonne nouvelle survient alors que le gouvernement doit approuver mercredi, en Conseil des ministres, son programme de stabilité économique qui fixera notamment les objectifs en matière de croissance, de chômage et de réduction du déficit public pour 2014 à 2017. Il sera ensuite transmis à Bruxelles.

«L'Espagne va croître en 2014 de plus de 1% et en 2015 notre croissance sera bien au-dessus de 1,5%», a d'ores et déjà prévenu le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, révisant à la hausse les prévisions officielles.

«Nous avons reconstruit notre économie en un temps record, nous avons les meilleures fondations et le vent souffle en notre faveur», a-t-il clamé la semaine dernière.

Mais ce léger mieux, en termes de croissance, ne se traduit pas encore sur le front de l'emploi: selon les chiffres publiés mardi, le taux de chômage a encore augmenté en Espagne au premier trimestre, à 25,93%, proche de son record historique, une situation qui incite nombre de demandeurs d'emploi, découragés, à abandonner leurs recherches, voire à quitter le pays.

Ces statistiques ont notamment mis en évidence une chute de la population active, avec 424.500 personnes en moins en un an, dont 364.000 étrangers.

Et le taux de chômage espagnol reste l'un des plus élevés du monde industrialisé.

La Banque d'Espagne table sur un niveau de 25% en 2014, puis 23,8% en 2015.

Lent retour à la normale

«L'emploi ne répond pas», se lamentait mercredi le quotidien El Pais, jugeant que «le message de reprise est prématuré».

«C'est le 23e trimestre de baisse de l'emploi, ce qui est décevant, alors qu'on donne pour acquise la reprise économique en Espagne et que les grands investisseurs étrangers reviennent se positionner sur le marché national», estimait aussi le journal économique Expansion.

«Le marché du travail va plus lentement, il réagit plus tard», commente Javier Velazquez, professeur d'économie à l'université Complutense de Madrid.

«Avec les chiffres de croissance du PIB qui sont prévus, de 1% à 1,5% pour les plus optimistes, je crois que l'emploi ne peut pas beaucoup augmenter» cette année, et «donc, jusqu'à l'an prochain, je n'attendrais pas une reprise de la création d'emploi».

«L'objectif est de parvenir à deux années de croissance de suite, avec une création nette d'emploi et cela sera la porte de sortie de crise de l'Espagne», expliquait récemment le ministre de l'Économie Luis de Guindos.

En revanche, cette création d'emploi sera «clairement insuffisante» face à un taux de chômage «terrifiant», admettait-il.

«Le retour à la normale dans les pays du Sud de la zone euro prendra du temps», estime Patrick Artus, analyste chez Natixis, se montrant particulièrement pessimiste: «le retour à la situation d'avant crise sur le marché du travail devrait prendre 25 années en Espagne» contre 22 ans au Portugal et 6 ans en Italie.