Critiqués par le reste de l'Europe pour leur côté pingre, les Allemands délient enfin les cordons de la bourse. La «machine à exporter» devient peu à peu un pays de consommateurs - une bonne nouvelle pour la zone euro.

La Planète économique

Au pire de la crise européenne en 2011, le Fonds monétaire international (FMI) et certains pays de la zone euro ne se sont pas gênés pour adresser de sévères reproches à l'Allemagne, la forteresse économique du Vieux Continent. On dénonçait le penchant, quasi obsessif, des Allemands d'accumuler de la richesse, au lieu d'acheter les biens de ses voisins.

Et Washington en a rajouté l'an passé: «La faiblesse de la reprise en zone euro est en grande partie due à l'Allemagne dont le modèle est trop fondé sur l'export», affirmait le Trésor américain dans un document plutôt mal accueilli à Berlin.

Chose certaine, la première puissance d'Europe est une «machine à exporter», au dire des Français, cumulant bon an mal an des surplus commerciaux qui éclipsent largement ceux de ses voisins.

De leur côté, les consommateurs allemands n'aiment pas la dépense, ce qui en agace plusieurs: leur taux d'épargne est le plus élevé d'Europe (à près de 10% du revenu personnel, contre 7,8% en zone euro et 3,9% aux États-Unis, selon l'OCDE).

Pourtant, la richesse collective allemande - avec un PIB par habitant de 43 000$US - est environ 10% plus élevée que celle des Français ou des Britanniques.

Même avec la bouffe, les Allemands préfèrent la modération. Une habitude que l'ex-ministre de l'Agriculture, Ilse Aigner, a déjà qualifiée de «recherche exagérée d'économies» au plan budgétaire. Selon l'organisation Foodwatch, ils consacrent à peine 10% de leurs revenus à l'alimentation, contre 13% pour les Français.

Les Allemands grippe-sous seraient même responsables, en partie du moins, du faible taux de natalité de leur pays! Selon la Fondation pour les questions d'avenir, bon nombre d'Allemands ne veulent pas de bébés... parce qu'ils sont trop coûteux. Sur les 2000 personnes ayant pris part à une étude l'été dernier, 67% trouvent que «les enfants coûtent trop d'argent».

Mais les Allemands changent peu à peu. Voilà qu'ils prennent goût à la dépense, répondant finalement aux attentes du reste de la zone euro.

Plus d'importations

D'ailleurs, l'Allemagne a acheté presque autant de produits de ses voisins, en février, qu'elle leur en a vendus. Un fait rare.

Les exportations allemandes ont atteint 35 milliards d'euros avec le reste de la zone de la monnaie unique, en hausse de 3,7%, alors que les importations bondissaient de 8,4% à 34,6 milliards d'euros.

«Le commerce allemand avec la zone euro est en train de se rééquilibrer», affirme dans une note financière Christian Schulz, de la Berenberg Bank.

Le gouvernement se réjouit de ce changement. Si bien que l'économie allemande connaîtra une accélération cette année, surtout grâce à la consommation des ménages et non pas tant au commerce extérieur, insiste le ministère de l'Économie.

Le ministère précise que les exportations augmenteront de 4,1% en 2014, soit moins que les importations, attendues à +5%. Et la consommation des ménages progressera de 1,4% en 2014, après une hausse de 1,1% l'an dernier, grâce à la bonne tenue du marché du travail, une inflation modérée et des taux d'intérêt bas.

Ces jours-ci, Berlin affiche d'ailleurs une belle confiance. Même la crise ukrainienne ou l'euro fort n'empêchent pas l'Allemagne de miser sur une période prolongée de prospérité, donnant à ses voisins l'espoir d'en récupérer quelques miettes.

Effet d'entraînement

Le gouvernement table sur un rebond de 1,8% du PIB cette année, nettement plus que le maigre gain de 0,4% de l'an dernier. L'année prochaine amplifierait la tendance avec une croissance de 2%. Déjà, les usines allemandes tournent à fond et l'immobilier connaît un envol sur fond de taux d'intérêt très bas.

Hors du pays, on en ressent enfin les effets: l'indice Markit du secteur manufacturier en Europe - basé sur un sondage auprès de 5000 entreprises - montre une accélération en février de la production des usines de métaux et de transformation alimentaire.

Et les salaires allemands montent, profitant notamment aux géants français Danone (alimentation) et Renault (automobile), dont les ventes en Allemagne grimpent.

Même Angela Merkel incite ses électeurs à profiter de la vie en allant dépenser... à l'extérieur du pays. En visite le mois dernier à Athènes, la chancelière allemande a souhaité que ses compatriotes viennent en nombre à l'été passer leurs vacances en Grèce - un pays pourtant vilipendé par Berlin il y a trois ans.

L'ouzo est déjà sur la glace à Corfou.