La Chine a commencé l'année sous de bons auspices, en annonçant jeudi que son commerce extérieur s'active de plus en plus. Cependant, cette embellie masque des problèmes profonds, au plan environnemental notamment, qui menacent à long terme la deuxième économie mondiale.

Mais d'abord les bonnes nouvelles: l'excédent commercial chinois (les exportations moins les importations) a bondi de 48% en 2012, grâce à une poussée tardive des exportations (+14% en décembre) dont la vigueur a surpris les analystes. Et pour couronner le tout, le secteur manufacturier a aussi augmenté la cadence en fin d'année, selon un nouveau sondage de la Banque HSBC.

Les experts en concluent que l'empire du Milieu retrouve peu à peu sa forme des beaux jours, après une baisse de régime inquiétante au début 2012 due à la crise européenne et à une économie américaine amoindrie. On y voit aussi un signe que la conjoncture mondiale s'améliore.

Toutefois, ce bilan favorable est terni par deux phénomènes inquiétants: l'endettement croissant des Chinois et les problèmes environnementaux.

Pollution alarmante

Il y a deux semaines, un déversement majeur de produits toxiques dans la rivière Zhouzhang, dans le nord de la Chine, a rappelé au monde que la grosse machine chinoise continue d'exercer une pression insoutenable sur l'environnement.

Quelque 39 tonnes d'un composé chimique (aniline), provenant d'une usine locale et utilisé par le secteur manufacturier, ont été déversées dans cette rivière, contaminant l'eau potable de millions de personnes. Cette bévue, dévoilée par les autorités avec plusieurs jours de retard, s'ajoute à une liste croissante d'«accidents environnementaux».

En 2011, le ministère de l'Environnement évalue que la Chine a connu 542 incidents «officiels» dans ce domaine, comparativement à 156 l'année précédente et 138 en 2008. Et tout indique que le nombre a encore augmenté en 2012, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).

Hormis ces évènements plus spectaculaires, qui témoignent d'une activité industrielle complètement débridée, la pollution globale demeure la menace la plus grave.

Peuplée de 1,35 milliard d'habitants, la Chine consomme déjà «2,5 fois sa biocapacité», soit sa capacité à générer ses ressources naturelles et à absorber ses émissions de carbone, selon la WWF.

D'autres données montrent que le problème s'aggrave:

- Depuis 1978, le nombre de villes en Chine a plus que triplé, alors que la population urbaine a plus que doublé et croît de 40 millions de personnes par an;

- 90% des rivières traversant les villes sont maintenant polluées, selon le ministère de l'Environnement;

- On dénombre plus de 100 millions de véhicules sur les routes, soutient le réseau MSNBC, et ce chiffre devrait doubler d'ici 2020;

- Pourtant, seulement 1% des habitants des villes respirent de l'air jugé acceptable, selon la Banque mondiale .

Si bien que l'environnement est désormais l'un des principaux défis du pays, ont annoncé les dirigeants du parti communiste lors de leur congrès en novembre.

Malgré ce bel engagement, l'exaspération face à la pollution et la sécurité alimentaire s'installe dans la population. L'an dernier, la contamination au cadmium très toxique - de plusieurs rivières dans la province de Guangxi a provoqué des manifestations monstres qui ont ébranlé le pouvoir.

L'essor du crédit

Une autre source d'inquiétude, dans les milieux financiers cette fois, est l'endettement croissant des particuliers et des entreprises.

Pékin, faut-il rappeler, tente d'orchestrer une transformation profonde de l'économie en réduisant sa dépendance aux exportations et en augmentant la consommation des ménages pour minimiser l'impact des chocs extérieurs.

Toutefois, des études montrent que le crédit joue un rôle de plus en plus important dans cette stratégie. Ainsi, les emprunts des gouvernements (régionaux principalement), des entreprises et des particuliers ont augmenté au total de 15% en moyenne en 2012, selon la banque Standard Chartered. Cela porte le niveau d'endettement global de la Chine à 206% de la taille de l'économie (PIB), comparativement à 150% en 2003.

Certains experts s'inquiètent surtout de la montée du crédit non officiel.

Dans un rapport récent, l'agence Fitch s'interroge sur les financements «informels» et les crédits en provenance de l'étranger - bref, ces formes de crédit qui échappent au contrôle de Pékin.

Des fiducies et des organismes dits «communautaires», qui fonctionnent en région et en marge du système bancaire, ont financé d'importants projets immobiliers, dont la rentabilité est douteuse, en plus de prêter à des particuliers ayant un bilan personnel fragile. Citigroup a déjà évalué que 20% de tous ces prêts, dont sont surtout responsables les gouvernements régionaux, seraient potentiellement irrécupérables.

La Commission chinoise de régulation bancaire (CBRC) a finalement reconnu, peu avant Noël, que les créances douteuses des institutions financières ont augmenté en 2012. Et on promet de suivre «la situation en temps réel afin de faire la lumière sur les risques». En clair, on est inquiet.

Entre-temps, le dragon chinois continue néanmoins d'impressionner le reste du monde, avec une croissance qui aurait atteint 7,8% en 2012, nous dit un nouveau sondage Bloomberg auprès des économistes. Une performance encore impressionnante. Mais la pollution accablante et la poussée mal encadrée du crédit nous montrent un autre visage du géant asiatique, qui est nettement plus vulnérable.

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EN CHIFFRES

90%

Pourcentage des rivières traversant les centres urbains en Chine qui sont polluées.

1%

Pourcentage des habitants des villes chinoises qui respirent de l'air jugé acceptable, selon la Banque mondiale.