La chancelière allemande Angela Merkel est arrivée mardi sous haute sécurité à Athènes pour sa première visite depuis le début de la crise de la dette, marquée par des manifestations contre l'austérité prônée par l'Allemagne, premier bailleur de fonds européen.

Mme Merkel qui doit apporter son soutien au gouvernement grec, a atterri peu avant 10h30 GMT (5h30, heure de Montréal) à l'aéroport d'Athènes, accueillie, très souriante, par le premier ministre Antonis Samaras. Les deux dirigeants s'entretiendront avant des déclarations prévues à 13h00 GMT (8h00, heure de Montréal).

Le centre de la capitale grecque était en état de siège, avec plus de 6000 policiers mobilisés pour tenter d'éviter les débordements dans les manifestations prévues par la gauche, les syndicats et les partis de la droite nationaliste contre les mesures d'austérité qui étranglent les Grecs depuis trois ans, et dont Mme Merkel est rendue responsable.

À l'arrivée de Mme Merkel à l'aéroport, des milliers de manifestants, parmi lesquels une délégation du parti allemand de gauche radicale Die Linke, étaient rassemblés sur la place Syntagma face au parlement.

«Mal venue», «Dehors les impérialistes», «Non au IVe Reich»: sur le haut de la place devenue ces dernières années un lieu de ralliement des contestataires de la droite nationaliste et extrême, les panneaux étaient hostiles à la chancelière allemande.

Un homme brandissait même un panneau où les photos de Mme Merkel et celles des trois premiers ministres grecs s'étant succédé depuis le début de la crise de la dette surmontaient des svastikas, l'emblème nazi.

Le gros des manifestants répondaient à l'appel des deux grandes centrales syndicales du pays, GSEE et Adedy, et au mot d'ordre du principal parti d'opposition, le Syriza de gauche radicale.

Là les pancartes visaient surtout l'austérité imposée par les bailleurs de fonds du pays: «UE et FMI dehors», résumait l'une.

Sur le pied de guerre, la police a procédé dans la matinée à des interpellations, par précaution, de groupes de jeunes, a constaté un photographe de l'AFP.

La chancelière, dont la dernière venue remonte à juillet 2007, en soutien au conservateur Costas Caramanlis, sera aussi reçue par le chef de l'État, Carolos Papoulias, avant de rencontrer, accompagnée de M. Samaras, des entrepreneurs grecs et allemands.

Mme Merkel avait récemment affiché sa sollicitude envers les Grecs: «Mon coeur saigne» face aux sacrifices imposés, avait-elle dit.

Mais Christina Vassilopoulou, institutrice de 37 ans, est venue manifester mardi «contre les directoires européens où Merkel manipule les autres». «Avec un master et un doctorat, je touche 900 euros par mois, 400 de moins qu'avant» a-t-elle dit à l'AFP.

Lundi, une grande banderole aux couleurs allemandes déployée face au parlement empruntait à l'écrivain Bertold Brecht: «Angela ne pleure pas, il n'y a plus une miette de pain dans le placard».

Les créanciers de la Grèce -UE, FMI et BCE- ont maintenu la pression pour qu'elle applique l'austérité en lui donnant, dans la nuit à Luxembourg, jusqu'au 18 octobre au plus tard pour «montrer sa détermination à mettre en place les réformes promises».

Le chef de file de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a précisé à l'occasion que le pays devait mettre en oeuvre 89 mesures avant le prochain déboursement de 31,5 milliards d'euros.

Mardi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a pour sa part crédité la Grèce de «progrès en matière des réformes nécessaires perceptibles et significatifs», tout en estimant qu'il est «clair qu'il faut en faire plus».

Mais les commentateurs se demandent si au-delà des mots, un soutien sonnant et trébuchant pourrait être apporté dans un pays asphyxié par la récession et le manque de liquidités, et où le chômage est à 24% .

À Berlin, la presse allemande attribuait à la visite une portée essentiellement symbolique. «La chancelière a pris la décision d'accomplir un acte symbolique et c'est très bien ainsi. La Grèce mérite notre empathie» écrivait le quotidien Die Welt. Le propos a été repris par l'ambassadeur allemand en Grèce Wolfgang Dolt sur la télévision publique Net.

Pour Tagesspiegel, les Grecs n'ont pas de cadeau à attendre de la chancelière car sa ligne n'a pas changé: pas d'aide sans contrepartie.

Vendredi, le premier ministre grec a indiqué que son pays ne pourrait tenir que «jusqu'à la fin novembre» car «après, les caisses sont vides».

Mardi une caricature en une du quotidien de centre-gauche Ta Nea montrait M. Samaras en train de cacher les manifestants sous un tapis rouge, déroulé pour Mme Merkel.

Dans la nuit de lundi à mardi les sites internet du gouvernement et de la présidence grecs ont subi une attaque du collectif de «hackers» Anonymous, qui a laissé un message déplorant «l'indifférence» officielle à la paupérisation de la Grèce, après trois ans d'austérité et cinq de récession.