Au centre-ville de Nairobi, dans les villages éloignés et même dans les bidonvilles, ils sont partout. Les 32 000 comptoirs affichant le logo vert de M-Pesa illustrent de façon on ne peut plus visible la révolution techno qui balaie le Kenya depuis quelques années.

Safaricom, le géant kényan de la téléphonie sans fil, a lancé en 2007 son service de paiement électronique M-Pesa. Le système a été adopté en masse par les Kényans, qui l'utilisent pour transférer des fonds et payer une foule de factures avec leur cellulaire. Le nombre d'utilisateurs est passé de 6000 la première année à 15 millions aujourd'hui!

«Avant, pour envoyer de l'argent à la maison, on utilisait l'autobus ou le courrier, et on pouvait attendre en ligne pendant trois heures pour payer sa facture d'électricité», explique Lilian Onyach, directrice du marketing de Safaricom, rencontrée au siège social futuriste de l'entreprise à Nairobi.

M-Pesa a vite trouvé son créneau dans un pays où moins de 40% de la population détient un compte bancaire. Le service est d'une simplicité désarmante - de nombreuses personnes âgées et illettrées l'utilisent - et fonctionne même sur les téléphones les plus bas de gamme. Les transactions reviennent à une fraction de ce qu'il en coûtait pour transférer de l'argent avec les anciennes méthodes.

Aujourd'hui, plus de 700 commerces, ministères et autres organismes acceptent les paiements faits par l'entremise de M-Pesa! Et les petits kiosques au logo vert, où l'on peut retirer de l'argent en montrant un simple mot de passe électronique, se trouvent à chaque coin de rue. Ils sont exploités par des commerçants indépendants, comme les dépanneurs de quartier du Québec.

La popularité de M-Pesa est telle que la panne du service s'est transformée en drame national l'an dernier, rappelle en riant Lilian Onyach. Le nom du produit est même entré dans le langage courant. «On ne dit plus envoyer de l'argent, on dit M-Pesa de l'argent (M-Pesa the money)!»

Innovations

Si M-Pesa a créé une révolution au Kenya, plusieurs PME du secteur technologique essaient d'en décupler les possibilités. Kopo Kopo, jeune entreprise de Nairobi, a conçu un logiciel qui permettra aux petits commerces - par exemple les restaurants et cafés - d'accepter les paiements faits par M-Pesa, ce qui est impossible à l'heure actuelle.

Le potentiel est gigantesque, croit le cofondateur de Kopo Kopo, Ben Lyons. L'Américain de 24 ans s'est installé au Kenya il y a un an après avoir développé une véritable fascination pour M-Pesa pendant ses études universitaires. «On essaie d'anticiper comment l'industrie du paiement mobile va évoluer, en vue de créer une entreprise globale.»

La jeune PME vient d'obtenir un financement de près de 1 million de dollars auprès de fonds d'investissement de la Silicon Valley pour poursuivre la mise en marché de son produit. Une fortune selon les critères locaux. «On peut faire rouler une entreprise avec 60 000$ par année au Kenya!», dit Ben Lyons.

M-Pesa enregistre 3 millions de transactions chaque jour, et environ 20% du PIB kényan transite chaque année par l'entremise de ce service, selon Safaricom. Depuis le lancement du produit, quelque 1 trillion de shillings (environ 12 milliards CAN) ont été transférés ou dépensés par M-Pesa.