Crise politique en Libye, famine en Somalie, affrontements sanglants au Soudan: les manchettes africaines sont loin d'être réjouissantes depuis quelques semaines. Qu'à cela ne tienne, une vaste conférence se déroule jusqu'à demain à Montréal dans le but de favoriser l'investissement privé sur le continent.

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«L'Afrique est vraiment sur un élan», a fait valoir Tim Turner, directeur du département du secteur privé de la Banque africaine de développement (BAD), en entrevue à La Presse Affaires hier.

Optimisme

Le conférencier de la 5e présentation du Forum Africa reconnaît que les désastres monopolisent l'attention médiatique, mais cela ne doit pas éclipser le potentiel de croissance gigantesque du continent, dit-il. Il souhaite que les entrepreneurs canadiens saisissent le message et soient de plus en plus nombreux à tenter leur chance en Afrique.

«En général, nous sommes très optimistes, car les indicateurs économiques pointent vers une poursuite de la lancée africaine, a souligné M. Turner. Évidemment, il y aura des écueils et des reculs, mais, en tant qu'institution, on vise à créer un effet d'entraînement et donner l'exemple qu'on peut faire des affaires en Afrique.»

Les perspectives du continent impressionnent. Selon une étude récente du McKinsey Global Institute, le produit intérieur brut (PIB) passera de 1600 milliards US en 2008 - l'équivalent du PIB brésilien - à 2600 milliards US en 2020. Le pouvoir d'achat total des Africains aura grimpé de 860 à 1400 milliards US pendant cette période, prédit le groupe.

La consommation connaît déjà une croissance accélérée, même si 40% des Africains vivent avec moins de 1,25$US par jour. Entre 2005 et 2009, le nombre de lignes téléphoniques est passé de 180 à 408 par 1000 habitants. Et 85 millions de ménages gagnent désormais plus de 5000$US par année, le seuil à partir duquel ils commencent à dépenser plus de la moitié de leur salaire sur d'autres articles que la nourriture.

«Les gens oublient souvent que l'Afrique est un immense marché de consommateurs de presque 1 milliard de personnes, qui veulent avoir une maison, une voiture, un téléviseur, a souligné Tim Turner hier. Les occasions d'affaires seront de plus en plus grandes, au fur et à mesure que la classe moyenne grandira.»

Richesses naturelles

Environ le quart de la croissance récente de l'Afrique découle du boom des ressources naturelles, estime la BAD. Le secteur est largement contrôlé par les entreprises étrangères - dont de nombreuses canadiennes -, qui se contentent souvent d'exploiter la matière brute et de rapatrier les profits.

La BAD veut stimuler l'industrie de la deuxième et troisième transformation. Tim Turner cite en exemple le partenariat entre la sud-africaine Kalagadi Manganese et le géant ArcelorMittal, qui ont construit une fonderie et un centre de raffinage pour transformer le minerai de manganèse extrait sur place, créant plus de richesse pour la population locale.

Le secteur des infra- structures représente un autre segment rempli de promesses pour les entrepreneurs étrangers, souligne le Canadien qui travaille pour la BAD depuis 15 ans. L'Afrique a un besoin criant de nouvelles routes, de centrales électriques, de systèmes d'irrigation et d'entrepôts pour garder les récoltes, de nouveaux rails...

Les occasions d'affaires sont nombreuses, mais les investisseurs ne doivent pas s'attendre à obtenir un rendement mirobolant immédiat en Afrique, avertit M. Turner.

«Les sociétés qui s'installent tôt pourront en tirer les fruits plus tard, et c'est pour ça que la façon de faire des Chinois est brillante, a-t-il dit. Ils investissent et achètent autant d'actifs qu'ils peuvent pour tailler leur place. Ils savent qu'ils ne feront pas beaucoup d'argent à court terme, mais qu'ils seront en position dominante plus tard pour sauter sur les occasions d'affaires.»

Traitement équitable

La BAD agit comme intermédiaire entre les sociétés étrangères et les gouvernements locaux. Elle facilite le démarrage des projets et la résolution de conflits. «Contrairement à une banque privée, on vise à maximiser le développement, et non les profits, a dit Tim Turner. Ainsi, quand on regarde un projet, on l'analyse de façon globale en se demandant si chaque partenaire aura un traitement juste.»

M. Turner reconnaît que la corruption demeure très répandue en Afrique, mais il fait valoir que la gouvernance s'améliore dans plusieurs pays. Il cite l'exemple du Rwanda, qui a réformé ses institutions et grimpé de la 143e à la 67e place au classement mondial Doing Business de la Banque mondiale en 2009.

Le Forum Africa, organisé par revue la revue Afrique Expansion Magazine, se poursuit jusqu'à demain à l'hôtel Fairmont Reine Elizabeth.

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L'AFRIQUE EN CHIFFRES

- 1600 milliards US : PIB total de l'Afrique en 2008

- 2600 milliards US : PIB total de l'Afrique prévu en 2020

- 403$ : PIB par habitant en 2009 dans les 40 pays les plus pauvres d'Afrique

- 3,1% : Part de l'Afrique dans le commerce mondial

Sources : McKinsey Global Institue, Banque africaine de développement