En proposant la création d'un gouvernement économique de la zone euro, le tandem franco-allemand permettrait aux 17 de se doter d'un pilote et d'aller plus loin dans le fédéralisme, mais cela va-t-il suffire à résoudre durablement la crise de la dette?

La réponse des marchés a été sans détour mercredi: déçus de ne pas entendre parler d'euro-obligations ou de renforcement du Fonds de soutien européen (FESF), ils ont jugé les solutions avancées par le duo Sarkozy-Merkel floues et inadéquates pour faire face aux tensions sur les marchés financiers.

Au terme d'un mini-sommet mardi, les deux responsables européens ont proposé la création d'un nouveau gouvernement économique, qui se réunira deux fois par an et qui sera dirigé par le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy.

Mission: surveiller la mise en oeuvre du Pacte de stabilité censé limiter les déficits au sein de la zone euro et tenter de prévenir les crises.

«L'originalité de cette proposition ne saute pas aux yeux, puisqu'il s'agit d'institutionnaliser une pratique existante», souligne Christian Parisot, économiste pour la maison de courtage Aurel.

«On peut toutefois considérer qu'il s'agit d'un pas supplémentaire vers une plus grande coordination des politiques économiques», concède-t-il.

La zone euro organise en effet des sommets depuis la crise financière de 2008. Ces réunions se font déjà sous l'égide de M. Van Rompuy.

«Formaliser cette structure va lui donner plus de poids, de visibilité et va limiter son caractère informel», plaide-t-on du côté de la Commission européenne.

Un pas vers plus de coordination certes, mais qui n'est pas sans poser des questions. Car la zone euro était jusque-là représentée par l'Eurogroupe qui rassemble les ministres des Finances de la zone euro et se réunit une fois par mois. Comment les deux entités vont-elles désormais cohabiter ?

Dans une lettre adressée mercredi à M. Van Rompuy, le duo franco-allemand évoque un «renforcement de l'Eurogroupe», sans donner plus de détails.

«Si vous prenez un certain nombre de sujets de réformes économiques, ce sont des sujets où les chefs d'État doivent se mouiller», estime pour sa part l'économiste Jean Pisani-Ferry du centre Bruegel, reconnaissant toutefois qu'il s'agit d'un désaveu pour l'Eurogroupe, dirigé par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

«M. Van Rompuy avait déjà donné un tour économique à son mandat à la tête du Conseil européen. Si on l'installe à la tête de la zone euro, il faudra lui laisser de l'espace», prévient-il.

De nombreux observateurs craignent justement que ce nouveau gouvernement soit une coquille vide.

Le quotidien belge Le Soir n'a pas hésité à le qualifier de «machin».

«Quelles que soient les compétences (et elles sont réelles) de l'ex-premier ministre belge (Herman Van Rompuy, NDLR), il restera prisonnier de l'indécision et de l'incapacité des grands États européens et de leurs dirigeants à prendre et imposer les mesures radicales qui s'imposent pour sortir la zone euro de la tempête», peut-on lire mercredi sous la plume d'un éditorialiste du Soir.

Tout aussi sceptique, le quotidien le plus lu en Allemagne, Bild, se demande si «un aréopage avec à sa tête le gentil président du conseil de l'UE Van Rompuy, se réunissant deux fois par an, peut prendre des décisions réellement efficaces ?»

Pour le député européen et ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, un gouvernement économique «doit avoir des outils à sa disposition». Et de citer les euro-obligations qui permettraient d'aller plus loin dans l'intégration budgétaire.