Il n'y a pas de marée noire dans les eaux du Canada atlantique, mais les pêcheurs du Québec et des Maritimes ont l'oeil sur celle qui afflige leurs confrères du golfe du Mexique. La catastrophe risque peu de gonfler le prix des produits d'ici, mais elle alimente la crainte des pêcheurs sur l'exploration et l'exploitation de gaz et de pétrole dans le golfe du Saint-Laurent.

«Est-ce qu'on va finalement tirer des leçons de cette expérience, est qu'on va vivre les mêmes choses ici?» demande le directeur général de l'Union des pêcheurs des Maritimes, Christian Brun.

 

Le Québec a instauré en 2004 un moratoire sur l'exploration de gaz et de pétrole en mer. Une éventuelle fin de ce moratoire, sur une partie ou la totalité de la portion québécoise du golfe du Saint-Laurent, ne réjouit pas M. Brun.

«Est-ce que l'industrie des pêches est une industrie secondaire? Chez nous, dans le Canada atlantique, c'est une industrie qui fait vivre au-delà de 200 communautés. Les pêcheurs ne sont pas intéressés à vivre avec les conséquences de jouer à la roulette russe avec la nature.»

Aux Îles-de-la-Madeleine, le débat est encore plus concret. La société Corridor Resources fait de l'exploration en territoire terre-neuvien, mais très près des Îles. La marée noire dans le golfe du Mexique vient concrétiser une menace jusque-là évoquée en termes plutôt théoriques.

«On savait qu'il y avait des possibilités d'accident, mais ce n'était pas arrivé souvent et on se disait que ce n'était peut-être pas pire que les nombreux pétroliers qui passent juste au-dessus des Îles, dit le directeur général de l'Association des pêcheurs professionnels des Îles-de-la-Madeleine, Léonard Poirier. Mais l'accident en Louisiane nous fait réfléchir encore davantage aux impacts possibles.»

Pas de hausse de prix

Dimanche, les autorités américaines ont fermé une bonne partie des eaux affectées par la marée noire pour une période d'au moins 10 jours. Mais le malheur des crevettiers louisianais ne fait pas nécessairement le bonheur des crevettiers canadiens. Pour l'instant, ni la demande ni le prix des crevettes d'ici ne devraient augmenter.

«Ce n'est pas la même sorte de crevettes», explique Jean Lanteigne, directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels. La crevette nordique, pêchée au Québec et dans les Maritimes, est plus petite que la crevette de Louisiane. Elle est surtout destinée aux marchés européens.

Les États-Unis, par contre, sont très peu présents sur les marchés internationaux (moins de 1%), et la crevette de Louisiane alimente surtout le marché intérieur, précise Rémy Lambert, vice-doyen à la recherche de la faculté de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

«Ce sont deux créneaux différents, et je doute qu'il y ait un impact sur la crevette nordique», ajoute M. Lambert.